Raptado (clip musical) 2015

Les Rencontres Régionales « Courts dans le Vent » ont gratifié notre Clip RAPTADO de deux prix, dont nous sommes bien entendu très heureux. Et je voudrais revenir sur l'histoire de ce « RAPTADO », une expérience déroutante

Je m'étais toujours tournée vers des publics adultes. Les adultes marginalisés ne sont pas toujours commodes. Leur donner la parole, les associer à l'image, leur donner du mouvement, de la réalité, est un pari à risque. Celui de rater le film et de décevoir des personnes de bonne volonté. Certains films ne répondent absolument pas à mes attentes. Ils ont de la valeur pour ceux qui ont fait le film et restent comme témoignage vivant dans leur communauté. Mais je ne peux pas les proposer à un public non averti. Pour moi, un film que je ne peux pas projeter est un film raté.

Si je n'étais pas capable d'encaisser ce genre d'échec, je ne ferais rien qui m'intéresse.

La réalisation du Raptado n'échappe pas à cette règle. Ces jeunes qui vivent en foyer avec leurs éducateurs sont des forces vivent en permanence au bord de l'affrontement . L'équipe pédagogique essaie de poser des jalons pour les amener à une vie sociale et affective qu'ils sont loin de comprendre ou d'accepter.

Du coup, mes ateliers d'écriture ont été très chaotiques.

Entre les rendez-vous manqués sans préavis, et les relations compliquées que vivent ces jeunes entre eux et avec les adultes, j'ai eu beaucoup de mal à trouver où me caser avec mes prétentions d'écriture de film.
 

Et puis un atelier qui exprimait des sentiments profonds avec des mots violents ou agressifs nous permettait de travailler sur la manière élégante de dire des choses terribles... Dans ces moments là notre réflexion commune (moi pour les amener à changer de langage ; eux pour trouver comment dire autrement ce qu'ils avaient envie de hurler) a établi de vraies relations. J'ai fini par les aimer de tout mon cœur ces enfants, la confiance s'est instaurée. Ouf, j'avais eu chaud ! Lorsque le poème a été écrit, je l'ai soumis à la direction de l'établissement en leur demandant leur accord pour en faire un clip. Pas l'ombre d'une hésitation quant à l'accord. Il n'était pas question de censurer la parole et tant pis pour la manière dont le public percevrait l'Eau Vive. Magistral non ?

 

L'un de nos adhérents, Jean François Braun, m'a proposé de soumettre à l'un de ses amis, « créateur de musique » un enregistrement que l'une des jeunes filles accompagnait à la guitare.

Eric Breton a donc adapté cette mélodie que nous avons enregistrée dans son studio, mis gracieusement à notre disposition.

 

Sans lui, le clip n'aurait pas eu cette qualité sonore.

Au niveau des images, toujours en atelier pédagogique, j'ai travaillé avec les jeunes filles qui avaient fait les paroles et deux garçons. Ils tenaient beaucoup a faire les images dans leur lieu de vie. Nous avons donc créé une continuité de situations calées sur le texte. Cette étape a été un autre genre d'écriture, totalement nouvelle pour eux. Écrire par l'image, quel exercice réjouissant.

Avec nos adhérents nous avons formé trois groupes de réalisation après avoir découpé le scénario en 3 séquences : « intérieur du foyer- parc- rivière qui borde le parc) Il est vrai que les trois tournages ont été soigneusement préparés par les trois équipes menées respectivement par :

Tonia Zamora et Gilbert Cordier ; Jean François Andry et Jean François Braun ; Laurent et moi.

Je dois préciser que les vidéastes de l'ACP-V ont parfaitement compris ce que les images devaient montrer et ils ont fait du bon boulot, exactement ce que j'espérais de leur travail.

Mais je savais qu'il serait difficile de mobiliser les jeunes résidents du foyers, qui ne me connaissaient que de loin et seraient convoqués officiellement par les éducateurs. Pour limiter les dégâts j'ai décidé de tourner toutes les images en une journée. Heureuse inspiration. Sur la quinzaine de figurants convoqués, ils étaient moins d'une dizaine, se pointant royalement dans la cour sur le coup de midi alors qu'on les attendait depuis dix heures du matin. Je ne savais plus que le samedi matin c'est grass'mat obligée et vraisemblablement les éducs non plus. Mais dès qu'ils se sont pointés ces jeunes, les cheveux en vrac et l'allure dévastée, ils ont été rapidement opérationnels, On est vite au top à cet âge là.

Laurent a proposé un premier montage que nous avons analysé en atelier. José et lui l'ont donc revisité à partir de nos observations et du coup, notre équipe l'a sélectionné pour qu'il soit présenté à Ventabren avec l'heureuse conclusion que vous connaissez.

J'aime bien l'idée que ce film va être projeté ailleurs dans une autre ambiance, c'est la gratification suprême pour un film de continuer à vivre sous d'autres cieux, pour d'autres yeux.

 

Merci à vous tous.

 

Les prix attribués à Raptado : "coup de coeur du public" et prix spécial du jury "action pédagogique"

sélection pour les Rencontres Nationales FFCV sept 2016

JanouB – Atelier Ciné Passion – Velaux

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