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vers la carte des chantiers
Les deux ouvriers dans leur costume ressemblent à des extras-terrestres d’un autre âge. Masque anti-polution, gigantesque tablier en cuir, gants de chantiers patibulaires... Bouchers, sorciers ou bourreaux ? L’un d’eux touille la mixture fumante. L’autre écume cette soupe en fusion pour en extraire les impuretés. Drôle de pot au feu ! Des émanations d’air vicié me brûlent les yeux et la gorge. Quelques pas prudents en arrière s’imposent. Le liquide prend une belle couleur argentée. En quelques mouvements parfaitement orchestrés les deux hommes accrochent le chaudron au palan, qui ne faiblit pas. Y’a pas à dire, ça c’est du boulot de mec, c’est du solide ! Ils passent d’une chaîne à l’autre, équilibrent le fût qui n’est pas de bière, le basculent avec délicatesse au-dessus du moule. | |
C’est franchement magnifique. Une belle rivière de liquide brillant s’étale au fond du moule pour en épouser parfaitement l’arrondi. Les deux hommes travaillent avec des gestes précis. Ils ne se parlent pas. L’arrogance du vent qui déchire la campagne est d’autant plus présente et angoissante. Les silhouettes menaçantes des outillages gris et sombres, des presque deux tonnes de plomb récupéré et empilé en vrac, dansent une étrange sarabande autour de ce chaudron de matière vivante. En contrepoint, le plomb liquide se répand lascivement dans le lit du moule. C’est vraiment magique comme ambiance. Je suis fascinée et inquiète, c’est un moment intense pour moi. Jean Philippe s’approche. |