Côte Est vers le Sud

Début aout. Une journée formidable, sous spi tout le long.... On avance à 7 noeuds, et plus sans faiblir. Laurent fait le ravi avec un grand sourire qui ne le quittera pas de la journée. Il en oublie son mal au dos. On s'accorde une pause en fin d'après midi à Cala Gonone. L'idée n'est pas brillante. On zone dans le secteur de grottes prestigieuses. Site touristique à outrance... Navettes en tous genres, locations de zodiaks, ça n'arrête pas toute la soirée. Vers 11 heures du soir quand enfin le mouillage se calme, c'est les bords de plage qui se réveillent. Sono primitive à pleine gomme dans les bars et les restos.... Il y a donc tellement d'abrutis en phase terminale dans ce monde ? Pour échapper à tout ça, on décolle tôt le matin, les yeux un peu pisseux d'avoir mal dormi. On a oublié d'acheter du pain et Laurent a de nouveau mal au dos. Mon doigt ne guérit pas bien. Il y a trop d'humidité autour de nous... Il gonfle autour de l'ongle, il est vraiment moche et hypersensible. La baignade m'est rigoureusement interdite par Laurent. Zut alors, j'avais un maillot tout neuf sous la main. Quel dommage... !

Samedi 9 août. Une belle navigation au largue le long d'une impressionnante chaîne de falaises granitique. La première marina que nous fréquentons se situe au pied du Monte Santu. Le site est exceptionnel. Nous sommes à peu près au milieu de la côte Est: Santa Maria Navarrese. On se replonge dans la civilisation. Premier souci, la boulangerie.... Plus tard on verra pour refaire un peu de frais, fruits et légumes.... en particulier. Pour le reste on peut tenir un siège de quelques mois. A propos, au bout de quatre jours de tupperware au sel, et à 3O° en moyenne, le thon de Jean et Denise, cuisiné avec une sauce bien épicée a été un vrai régal.
Demain on loue une moto pour aller voir depuis la terre de quoi sont faits ces superbes sommets qui nous font de l'ombre quand on navigue.Et puis j'essaie de trouver un site pour expédier ces messages.

enre les rochersGROSSES PENSEES ATTENDRIES A CEUX QUI SE MARIENT ou A CEUX QUI DEMENAGENT ou A CEUX QUI DEMENAGNET ET QUI SE MARIENT.MILLIONS DE BAISERS SALÉS À VOUS QUI VOYAGEZ DE SI BON COEUR AVEC NOUS.

 

 

Lundi 11 août 2003. Côte Est de la Sardaigne.
Nous venons de quitter la marina de Maria de Navaresse, juste un port mais très sympa dans un site exceptionnel ; la ville est à 3 km. Un calme remarquable et plein de places où se caser. Je vous conseille vivement cette étape. Sachez que la nuit nous a coûté 44 euros, avec l'eau mais sans l'électricité. Il aurait fallu investir 7,85 euros de plus et nous n'en n'avons pas besoin, grâce à l'énergie fournie par les panneaux solaires.
Dimanche nous avons loué un scooter pour une journée de folie à terre. Extra. L'engin qui nous a portés est tout neuf, et très luxueux, à mi chemin entre la mobylette et la Maraudeur... On ne s'attarde pas en ville, juste le temps d'acheter un carte de la région. La ville d'Arbatax, recommandée par le guide ne vaut vraiment pas le détour. Rien à y faire et le port est surtout industriel. Cette ville exploite le liège de l'arbre du même nom. C'est la seule activité. N'y allez surtout pas. Nous, on se casse en vitesse. On prend des petites routes qui doivent s'enfoncer dans la montagne. Une trentaine de kilomètres, trois petites communes. On voit d'abord dans un creux de falaise, des étages de maisons sobres, un alignement de murs blancs que les volets tachent de brun. Vilaines blessures à flanc de montagne. Pas de boutiques, une école. Un petit dépôt où on croit trouver pain, viande, légumes... Mais il est fermé. Il n'y a qu'un bar ouvert, ou un restaurant, et l'église. Les vieilles femmes que l'on croise devant leur porte sont habillées de longues robes noires très raides. Quelquefois, un fichu gris perlé leur couvre la tête, quelquefois c'est une capuche noire intégrée au vêtement. Elles sont maigres, le visage très sec, le nez étroit, de grands yeux perçants. Les vieilles femmes n'ont pas l'air commode de loin. Mais quand on les approche et qu'on les salue, elles changent instantanément de masque. Elles sont aussitôt souriantes et agréables. Quelquefois, elles sont assises à plusieurs au bas d'un escalier et papotent à voix basse. Elles font "coirauche", Elles sont d'une remarquable discrétion.
Les hommes aussi se retrouvent, à l'ombre d'un mur, sous un arbre. Ils semblent plus extérieurs. Lorsque nous passons en moto, je leur fais bonjour en passant. Je remarque leur air épaté. Nous sommes déjà passés. J'ai l'impression d'entrer dans un livre d'images. Fantastique ! Mais où sont les jeunes ?
Et les villages si vilains aperçus de loin, cachent d'étonnants trésors. Les murs des maisons sont décorés de fresques gigantesques. Ces peintures retracent des pages d'histoire, des scènes religieuses, des images du passé qui se mêlent à des images d'aujourd'hui. L'effet de relief est formidable. On n'a pas l'impression du tout que c'est du semblant. Quelquefois, le pignon d'une boutique est peint de fenêtres, de vitrines où sont étalées les marchandises, quand on tourne l'angle de la rue, on entre dans la vraie porte du magasin... saisissant.

Plus tard, nous traversons une zone de lacs joliment bleutés. Mais on n'y voit pas l'ombre d'une habitation. Personne, absolument personne ne fréquente ce site idéal.
Pour grimper au Mont Gennargentu (1834 mètres) nous choisissons le "passo corru e boi", ancienne route qui grimpe à 1273 mètres pour redescendre vers Tortoli. Elle a été abandonnée depuis qu'une voie neuve a été tracée dans le fond de la vallée. La nouvelle route permet d'éviter le col qui ne doit guère être praticable en hiver.
Mais cette route, quelle enchantement ! Encore une fois, nous sommes les seuls à l'utiliser. Au début elle paraît normale, sauf un peu défoncée par endroits. Pendant une vingtaine de kilomètres on grimpe tout doucement à flanc de montagne. Ce n'est pas une route ordinaire. La montagne ne se présente pas comme un immense bloc de granit qu'il faut grimper en lacets et contre lequel on se cogne. Pas du tout. C'est plutôt comme trois plateaux qui s'étalent en profondeur. La vue est très ouverte. Au premier plan qui borde notre route, on monte d'abord à travers des étendues de fougères, de bruyères et de rocailles. En second plan, où qu'on regarde, de magnifiques forêts de chênes liège, d'eucalyptus et de pins montent à l'assaut des chaumes. En arrière plan, tout au fond, de grands pics de granit roses et rouges, pointent leurs lances vers le ciel. Mais oublions le paysage. La route devient dangereuse. Elle est embarrassée de bouses de vaches, crottes et crottins de tout acabit, plus ou moins grillés par le soleil. On roule à trente ou quarante km/h, le thermomètre du scooter affiche 38°. Les vaches sont vautrées dans les broussailles, écrasées par la chaleur.. Les moins paresseuses flânent à travers la chaussée. Elles ruminent au milieu de leurs bouses en nous ignorant magistralement. L'une en équilibre au dessus d'un précipice se démanche le cou pour brouter d'inaccessibles pousses. Il est vrai que brouter ça ou des cailloux, le choix est bien pauvre. Et les vaches ici sont maigres... Les bouses et les vaches s'espacent. La route redevient plus claire. Laurent passe à 60 Km/h. Au détour d'un virage un peu sec, il sème la zizanie dans un troupeau de chèvres qui s'envolent presque tellement elles sont affolées par notre arrivée. C'est joli une envolée de chèvres. Un peu plus loin ce sont des cochons noirs qui traînent leur groin au ras des cailloux. Lorsque nous perdons de vue la garrigue, l'air se rafraîchit, on atteint le deuxième étage, entre 800 et 1000 mètres. J'éternue douze fois. La campagne se couvre de forêts. On caille mais on trouve ça délicieux. Nous passerons au ralenti au milieu des chevaux. Leurs pattes sont d'une finesse exceptionnelles et longues, longues....

 

Jusqu'à plus de 1000 mètres d'altitude on croise ainsi des troupeaux semi sauvages... Il n'y a pas de gardiens, pas de chiens, pas de maisons en vue... Au sommet, On slalome entre des moutons, avec leurs chiens cette foi. Des gardiens hargneux qui coursent systématiquement le scooter. Nous débouchons sur des chaumes grillés par le soleil. C'est le site que nous cherchons. "Bau e Tanca". Autrement dit, les ruines d'un village entier de l'époque néolithique. Un bel espace envahi de pierres plus ou moins empilées.... C'est l'époque nuraghique de la Sardaigne. nurageiCes sites, les "nuraghi" me font penser aux vestiges gaulois de Bretagne. C'est impressionnant et nous nous attardons volontiers à travers ces vestiges.. le thermomètre dégringole à 24°. Il fait bon, délicieusement bon flâner sur ces chaumes.
La route que nous continuons pour redescendre est de plus en plus scabreuse. D'énormes blocs de pierres sont descendus des falaises et la route est très encombrée. Laurent de nouveau roule au ralenti. Il est 17h30, on traverse un groupe de vaches avec les veaux sous elles. C'est l'heure du goûter des petits. Peut-être que la route est le terrain le plus stable pour téter dans de bonnes conditions. Notre passage ne les perturbe pas, absolument pas. Nous avons passé une journée hors du monde, environnés de silence et de lumière. Si un jour je veux rompre, je me souviendrai de ce pays.

Lundi 11 août 2003.
Nous descendons toujours vers le sud. Retour au mouillage et à la vie sauvage. Porto Frailis est à 8 milles nautiques. Petite promenade de santé avec une brise côtière sympathique....
Bavardage à bord :
- Oh mais ton doigt est guéri !
- Tu crois ?
- C'est super, tu vas pouvoir nager...
Voyons y de plus près ! A la lecture de mes loupes, je ne le trouve pas si net que ça mon doigt.
- Il est encore douloureux, j'aimerais mieux attendre encore un peu .... En plus, j'ai rangé mon maillot je ne sais où. Non, ce n'est pas possible !
- Ton maillot, pourquoi ? Va donc te baigner toute nue...

Vendredi 15 août 2003. Toujours vers le sud.fraili
Nous naviguons dans le golfe de Cagliari, nous avons fait quelques mouillages extras. La montagne progressivement se transforme en collines. Les côtes sont avenantes, de belles plages bordées de villas, de bosquets d'eucalyptus, de pins et de palmiers. Nous bénéficions toujours de brises côtières pas toujours favorables à la navigation mais bien appréciables dans les mouillages. J'ai quand même profité de ces conditions exceptionnelles de mer pour me familiariser avec les bains dans une mer turquoise qui ne cache rien de trouble dans ses fonds. J'utilise chaque jour l'échelle de bain et le gilet de sauvetage pour gigoter au ras de l'eau. C'est vraiment agréable; Un fois ou l'autre je fais preuve d'héroïsme. Je me risque en hurlant à quelques brasses du navire... Quel exploit ! Je suis loin d'avoir résolu mon problème avec le milieu aquatique, mais je ne veux pas vous pourrir la lecture avec mes problèmes personnels. Malgré la panique, ce sont de bons moments... quand je remonte à bord. La douche tiède à profusion, quel délice ! Je ne pourrai plus me passer du dessalinisateur à bord.

Nous sommes toujours en régime anti-cyclonique avec des brises côtières. Au mouillage, lorsque le soir arrive, la brise qui venait du large faiblit. Lentement, le soleil disparaît derrière les collines. Le vent devient nul. Le temps s'arrête. C'est l'heure bénie du mouillage, celle du hamac. Progressivement, la nuit s'installe, une brise légère pousse le nez du bateau vers le large. On tourne doucement autour de l'ancre. Lorsque la nuit est tombée, la brise de terre s'installe. Les odeurs chaudes de la terre envahissent le navire. Odeurs d'humus, senteurs des arbres, parfums des algues..... ou de plages... Le bateau se met de travers. On va subir la houle pendant une petite heure, se faire un peu bercer. La nuit tombe, la terre se rafraîchit. En même temps que la lune monte sur l'horizon, la brise de terre s'organise. Sympathique bouffée d'air frais qui va mettre le voilier le nez vers la plage et le restabiliser. Il trouve ainsi sa position de nuit, sage et calme. La lune peut continuer sa course vers l'ouest. Nous on est paré pour dormir au frais.
Depuis Porto Fraïlis, Passo de Quirra, Cala Pira, Baie de Carbonara, nous avons toujours trouvé des endroits protégés de la foule estivale et favorables aux mouillages forains. J'adore la Mer Tyrrhénienne. Il y a plein de mouillages aussi isolés que jolis et d'une tranquillité ! Peut-être trouveriez-vous que ça manque un peu de bars ou de thés dansants ?