DANEMARK-SUEDE-NORVEGE-2018

01-06-08 de Velaux à Colmar-Markoholsheim

vendredi 1er juin 018.

Ouh, presque midi, enfin prêts ;  nous voilà engagés dans un contrat vacances en CDI ; ça nous fait tout drôle.

Cap vers le nord mais par des chemins de traverse. L'autoroute vers Lyon; ce serait trop facile... Laurent et moi, on adore la route Napoléon. Pourquoi s'en priver ? Petite pensée pour Alex et Olivier en traversant Manosque. C'est le printemps de Provence. La lavande commence à illuminer les champs. Les rouges, blancs, roses des lauriers débordent sur la chaussée. Il neige des fleurs de peupliers... J'ai l'âme en vadrouille. Sauf que... Une question insidieuse me turlupine. Ami Cyrill'ost, combien de temps je vais me cramponner à mes accoudoirs pour amortir les secouages de route. Aie mon dos, au secours ! (oh les enfants, je mets 2 C à accoudoir hein ?)

A l'entrée du village de Mison (04), nous trouvons un superbe parking, idéalement tranquille.Forcément, il est face au cimetière. La vue sur le village et les ruines du chateau médiéval qui domine est remarquable. Nous y passerons une nuit magnifique.

Mison

Totale harmonie dans notre esprit de vagabondage. Nous arriverons dans le Jura par Grenoble. La N85 nous mène gentiment à Cousance (39) . Un parking tranquille devant le presbytère au pied de l'église. C'est dimanche l'église est ouverte. Une petite ballade en campagne. Nous échangeons un regard prometteur : chiche !

Le temps de repasser au camion, celui de récupérer une ou deux partoches et la flûte traversière. Zut, le bedau ne nous a pas attendus et vient de fermer l'église. Vexés on s'installe pour un petit tour de flûte en plein air, sur la seule marche de l'église. A l'intérieur, c'est mieux, l'acoustique particulier dans la pierre, entre les colonnes et la profondeur de l'espace permet une profondeur de son remarquable. Et la flûte dans cet environnement chante magnifiquement. On croirait de l'orgue mais en beaucoup plus délicat.

Mais dehors, Ravel ou Satie ou  l'Ave Maria de Gounod, ça va fichtrement bien dans le paysage. Total bonheur.

 

Ensuite Je ne sais plus trop pourquoi ni comment, les impros de notre route nous annoncent Le Thillot. Nous sommes donc si près de Ramber ? Si ma soeur savait ça ! Donc je lui téléphone et top-là pour une pause dans son jardin. Soirée intime et inespérée avec Thérèse et Michel. La première excellente suprise que nous n'avions pas imagninée. A vrai dire, nous n'avons pas imaginé grand 'chose donc nous n'avons pas grand mérite d'être surpris.

Grandement étonnés aussi tous les deux  par la neige et les routes inondées au niveau d'Aydoilles. On passe à travers des prés luisants dans lesquels les chevaux broutent, les genoux sous l'eau. Les vaches sont planquées ou rangées à l'étable. Un cheval ça nage mais une vache ?

 

 

Mercredi 6 juin 2018.

Nous entrons en Allemagne au niveau de Markholsheim.  C'est un peu étrange de longer l'Alsace du sud vers le nord de l'autre coté du Rhin. Nous prendons la A5, cap Karlsruhe. Quelle déception. D'accord, les autoroutes sont toutes gratuites de ce côté-ci du Rhin et innombrables. Ben nous on trouve pas ça terrible. On en sort rapidement. D'abord, la qualité de la chaussée est déplorable. Des immenses dalles de béton pas recouvertes. On roule sur les rail des mines du diable, blong, blong, blong.... Une horreur pour mon dos. Ensuite, travaux et accidents alternent et les ralentissements sont réguliers. Un vrai bouchon (quasi arrêt) peut durer 20 km. Pire qu'une panne de vent en mer. Et puis, les poids lourds sont légions et gâchent les paysages. A part ça, de larges portions sans limite de vitesse donc sans radar, ça c'est plutôt bien.  Laurent, pilote très modéré, s'en fiche complètement. Allure tranquille au portant. D'une extrême courtoisie, Laurent reste à sa place et cède le passage à quiconque le suit. Il déteste être poursuivi.

Pfuiiiiiiiiiiiii.......t, à peine le temps de le voir passer, c'est un qui déboule sur la voie de gauche et disparait aussi vite qu'il est passé. Il nous a même pas vus.

PfuiIIt, pfuit, pfuit... tnut, tnut,  c'est celui qui nous dépasse et fait merci en passant. (enfin ça c'est surtout sur les nationales ou départementales)

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06/06/18 de Markolsheim à Hamburg

Mercedi 6 juin 2018..Weiheim - Allemagne.

Plus nous pénétrons dans l'Allemagne, plus la verdure est dominante. Les forêts sont immenses et impénétrables. Pas mal de cultures aussi (céréales et pommes de terre). Pas de vignobles. Peu d'élevages. La Noiraude n'y trouverait pas de cousinage. 

Vers 13h00 nous repérons à Weiheim, un CC parking à l'entrée d'une immense volière dans un quartier très chic bordé d'une belle forêt. On y est tout seul. Trop bon ! Nous entrons dans un monde local incontournable. Partout où nous nous posons, de préférence en milieu de forêt, nous sommes tenus éveillés par du ramage nocturne... qui se transforme le matin en ramage diurne.. ceci vaut bien une flûte sans doute !

La visite de la volière est gratuite, profitons en pour nous y attarder.

jeudi 07/06/18 - N 51°31'16.31 - E 09°55'50.73

Il faut que je trouve une solution pour mon dos que rien ne soulage. Je décide d'adopter la posture Matouyou. (Cherchez pas dans un manuel de yoga, ça n'existe pas) c'est juste en référence à une grande reine de l'Egypte ancienne, épouse du pharaon Séti 1er. Elle trône parfaitement verticale les bras en appui sur ses accoudoirs depuis des millénaires à Karnak... Alors je m'inspire des anciens qui en savait plus que nous dans bien des domaines et je copie.Vous m'imaginez royalement posée sur mon trône camion, façon Matouyou, les pieds à plat, parfaitement dans le prolongement du dos. Rien que d'y penser, je me sens déjà mieux. Vue camion, c'est à dire panoramique. Les routes nationales ou départementales sont presque lisses, les villages magnifiques. Dans les sous-bois, la lumière est rosée. Les sapinières sont chauves depuis la base jusqu'à mi-tronc. L'écorce à vif donne l'impression de saigner. Etrange et un peu angoissant. Une excellente navigation en cours.

Gôttingen est une ville superbe, à la fois vaste et tranquille. Je m'y plairais à coup sûr si je devais y vivre. Pas de rues piétonnes, mais ce n'est pas la peine. La plupart des citadins circulent en bicyclettes et les parkings des vélos sont bien plus encombrés que ceux ces voitures. Nous aimons d'emblée cette ville, un peu gothique avec de belles maisons à colombages, des boutiques riches et colorées. A 11h, un concert de cloches nous déroute de notre circuit pédestre. Pas de clocher en vue. Hé non les cloches tintent le long d'une façade d'immeuble. Un lied de Shubert, rien que ça, avec ce qu'll faut de justesse pour qu'on le reconnaisse et ce qu'il faut d'à peu près pour le son de cloche. Scotchés sur un muret nous avons adoré. Ce qui nous a surpris c'est que les piétons et vélos ont continué de déambuler autour de nous, comme s'ils étaient sourds.

cloches gottingen

Les avenues sont bordées d'immmenses tilleuls dont le gigantisme nous émerveille. Notre petit camion dans un tel espace est un séjour enchanteur. Et toujours le ramage... Une autre étape dans une ferme nous offrira les mêmes petits bonheurs. Et tout ça j'ai oublié de vous le dire, sous une météo de plein été. On s'en fout, on est toujours à l'ombre.

Samedi 09/06/2018 N 53°34'03.00-E 10°01'38.64

Nous voilà à Hamburg. Mégapole de presque deux millions d'habitants. On arrive du sud à travers la zone portuaire. Coucou José. Ici, C'est le royaume de CMA-CGM qui rivalise avec China maritima. Ben dis-donc ! Bon la mégalo-pôle c'est pas notre truc. On prendra le métro pour un bain de vie citadine. On ira admirer la magnifique Rathaus et les berges nautiques qui sillonnent la périphérie. Mais nous serons heureux de retrouver notre petit camion au pied de l'église Sainte Gertrude... impasse au calme relatif à deux pas du métro, mais en bord de rivière et sous les arbres.

Dimanche matin, 9h, on décolle sous une envolée de cloches dominicales de St Gertrude... cap vers le Danemark.

hamburg rathaus

Allo, ami Cyrill'ost, J'ai plus mal au dos. Vive Matouyou. J'adope définitivement.

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11-06-18 Traversée Danemark -Suède

Lundi 11 juin 2018 à 13h50
Nous passons ce que nous supposons être une frontière. Y'a juste une grosse dame en habit vert au bord de la chaussée. Elle a des airs de la reine du jeu de cartes et je m'inquiète un peu. On ralentit. Elle nous fait signe de passer. Allez savoir pourquoi je respire plus librement.
 
Au Danemark, les autoroutes sont toujours gratuites et d'excellente qualité. Pas un seul radar ; peu de poids-lourds; ça c'est du savoir-vivre. Les aires de repos magnifiquement aménagées sont d'une propreté irréprochable, inox à tous les postes, cloisons comprises. En voilà des notions d'hygiène qui me comblent. Un rare confort de navigation.
 
HELSINSINDE - N 55° 22'23.15 ; E 09°36' 51.87
A 16h, nous arrivons sur un parking sauvage en plein champ, bord de mer, semi-sauvage... Impec. Lorsque nous sortons pour nous dérouiller les jambes et la tête, un gros lapin nous attend au bord du pré que nous devons longer pour aller sur la plage. Lorsque nous sommes à quelques mètres de lui, il s'éloigne en quelques bonds et se repose sur son arrière train en attendant qu'on se rapproche. Cet accueil du Danemark nous touche énormément.
La plage est déserte, bordée d'immenses arbres qui ressemblent à des hêtres.
danemark1 odense
Mardi 12 juin 2018 -ODENSE Les jours suivants nous traverserons d'immenses forêts, une campagne vallonnée et très agricole.Des éoliènnes isolées sont éparpillées dans les champs. Beaucoup de panneaux solaires. A Odense la pause s'impose. Nous ferons l'impasse sur le musée Handersen. Laurent et moi nous préférerons  flâner sur le marché . Nous déambulerons avec bonheur dans une ville très calme, rues couvertes de gros pavés. Heureusement peu de circulation hors les sempiternels vélos. C'est une ville peu fréquentée à ce moment de l'année. Mais où sont les 172 000 habitants ?
 
 N 55° 26' 30.83 ; E 10°25' 22.08 _ Stige dans le fjord de Odense est un petit port de plaisance. Les quais sont bordés de petits chalets colorés tout en bois façon cabanon,  mais les propriétaires rivalisent de soins et je serais bien embêtée pour en choisir un. L'espace qui nous accueille est en bord de mer, plage familiale et tranquille. Une étape de rêve.
Nous accédons à l'île de Copenhague par un immense pont absolument étonnant de 20 km de long. Magnifique et angoissant aussi.
- Et si on tombe, y'a pas de gilets de sauvetage dans le camion.
- T'inquiète pas, y'a des piliers, on trouvera bien à s'accrocher en attendant les secours.
Manque de pot, au milieu du pont, il devient suspendu. Un immense fleuve en dessous remue furieusement des eaux brunes. Je serre les fesses.
- Laurent y'a pu de piliers !
- Pas grave tu sais nager non ?
- Déconne pas, j'ai pas mon maillot de bain.
- On s'en fiche, 17° l'air, la baignade n'est pas aurorisée.
 
Nous traverserons Copenhague au rythme autoroute. Pas envie non plus de se tremper dans l'agitation d'une méga-pole... D'autant moins envie de s'arrêter que la circulation est fluide et confortable.
 
mercredi 13 juih 16h15 - 22° grand soleil.
A la sortie du pont qui relie le Danemark à la Suède une vraie frontière est matérialisée. A la sortie du pays, on nous ignore. Quelques mètres de plus, entrée en Suède. Une présentation rapide de nos papiers et même pas un regard dans le camion.
Entrée facile à Malmö. Nous dormirons sur la plage, la ville au nord, un magnifique petit port au sud. Magnifique.Nous voilà sur les traces de H.Mankell, quelle émotion.
 
flute laiodense 2
Jeudi 14 juin 2018. Nous traverserons Göteborg sans nous attarder, encore une ville portuaire trop moderne et trop agitée pour nous. La campagne suédoise est peuplée de régiments d'éoliennes. Elles ont beau afficher des dégradés de vert à la base et des dégradés de bleus clairs à gris vers le haut, elles envahissent l'espace. Le costume camouflage, c'est raté. Au nord de Goteborg, les forêts se vallonnent, des clochers pointus égaient les prés et les champs. Les espaces agricoles et sylvestres alternent. Nous nous sentons aspirés vers la Norvège.... 
Et nous y voilà,
Un joli policier habillé en vert forêt, d'immenses yeux bleus, et un large sourire  m'interroge en anglais.
- Où allez-vous en Norvège ?
 Comme je suis pas douée pour les langues germaniques, je simplifie.
- Je sais pas !
Il insiste, il veut absolument savoir où nous allons. Je réponds avec des mots que je connais.
- Je vais en vacances, quelque part, n'importe où...
Toujours très souriant, l'homme repose sa question à Laurent qui dit le premier truc qui lui passe par l'esprit.
- On va à Bergen.
Nouveau sourire vers moi,
- Votre mari va à Bergen mais vous vous ne savez pas où vous allez ?
Je me mets à rire 
- Normal, je vais là où va mon mari, "he's my pilote"
Le policier se met à rire lui aussi et demande à Laurent,
- Pourquoi Bergen ?
Et Laurent de lui "raconter" dans un anglais que je comprends, (le policier j'en suis pas certaine, mais il fait comme si et paraît même captivé)
- parce que nous sommes déjà allés à Bergen, il y a longtemps... et lui baraguine sa vie d'il y a 30 ans.
Faillot va ! L'homme sourit et nous fait signe de passer. Il ne nous a même pas demandé nos papiers.
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05/07/18 de Leland à Bodo

mer

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jeudi 5 juillet 2017 - N 66°03'42.78  E 12°57'21.11 

Une pause enchanteresse àl'église de Alstahaug, mais l'ambiance parking macadam ne plait pas à Laurent. Nous nous embarquons dans un circuit impro à travers des petites routes qui passent d'un village à l'autre en bordure de fjord. Nous ne sommes ni inquiets, ni pressés nous savons que la nuit ne tombera pas. Bravo pour notre persévérance. Nous dénichons au bord d'un tout petit port l'endroit inattendu et idéal. Nous sommes à Leland. Il est 23h. A peine avons-nous calé le petit camion que le vent se met à souffler en rafales et soulève une belle houle dans le port. Mais le reste de cette nuit de plein jour sera très calme;

port leland


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous quittons Leland (leidfjord) 12h15 11° ciel gris gros nuages noirs qui glissent en ronde autour de nous. Encore un étonnant tunnel de 10 km qui nous guide dans le ventre de la montagne. A 4 km de l'entrée, un panneau signale que nous changeons de commune. Quel soulagement la sortie à travers champs de lupins et bouleaux, lacs et tourbières. La montagne riante et fleurie d'un coup se minéralise; Les bouleaux et les sapins se rabougrissent écrasés sous des éboulis de roches. Gris, noirs et rouilles, d'autres images, d'autres couleurs pour un monde qui passe aux couleurs polaires d'été.

18h00 - température 9° latitude N 66°33',

ligne virtuelle du cercle polaire. Une vaste étendue complètement minérale, les montagnes arrondissent leur dos sous le vent glacial. Malgré le soleil on se pèle. QUelle importance, ce site symbolique est fort sympathique. Pendant trois heures, nous foulerons cette terre pour la seule fois de notre vie très certainement. Alors je me remplis les yeux et je respire fort cet air exceptionnel. Je suis aussi fort troublée de penser que nous sommes à 6 km de la Suède. Peu de touristes. C'est super.
21h, ce serait bien de se trouver un coin tranquille pour la nuit.
Nous enroulons dix kilomètres de pierrailles, univers désolé et aride. Et d'un coup les remparts se relèvent, le monde sylvestre réapparaît. Nous longeons une rivière.
- Laurent t'as vu le clocher là en haut.
- Non, est-ce que je dois virer de bord ?
- Oui, tout de suite à tribord allez fonce...
Nous quittons le bord de rivière; cap sur une belle église, son sympathique cimetière en bordure de forêt, isolé du village... Encore un coin idyllique.
ROKLAND N 66° 57' 48.32 E 15°18'41.58 _ 12°
lau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Trois heures du matin dans ce Rokland aussi isolé qu'idyllique...
- Laurent, est-ce que t'as vu un pré avec des vaches quand on est arrivé ?
- Non, mais elles m'ont réveillé avec leur cri bizarre.
- Une vache ça fait meuh ?
- Ouhais, celles-là elles feraient plutôt mah ah....
- Oh là, là, d'où elles sortent ces vaches ?
- Elles ne sont que deux à se faire la conversation.
- J'ai jamais vu de troupeau à deux vaches.
- Et puis, y'a pas de pré dans le quartier, juste le cimetière et la forêt.
- écoute, leur modulation, c'est pas une modulation de vache ça.
- Non, c'est trop grave et trop guttural,
- Peut-être qu'elles ont l'accent scandinave ?
- Tu trouves pas que ça ressemble à des plaintes...
- Si, tu crois que ça vient du cimetière ?
- Non, je crois pas aux revenants, et au trolls non plus.
- T'as raison ça vient de loin. Ecoute bien, ça vient du fin fond de la forêt ça.
- Et si c'était des orignaux ? (clin d'oeil  pour Patrick)

samedi 7 juillet 2018
pont mer

C'est un grand jour, nous avons décidé de faire la traversée depuis Bodo pour atterrir aux sud des Lofoten Moskenes...Quatre heures de ferry. On change de monde très en douceur. Les falaises qui bordent le fjord tombent à pic dans la mer. C'est impressionnant et magnifique. On s'éloigne de ce monde immense. Le ferry slalome entre des chapelets d'îles. Le chenal est bien balisé mais je trouve qu'on frôle d'un peu trop près des hauts fonds très visibles... Vivement la pleine mer. Le nez au vent, glacée mais que m'importe. C'est avec un profond bien être que je retrouve les couleurs, les mouvements et les odeurs du monde maritime. Total bonheur sur le pont à l'avant du bateau, seule avec l'homme de ma vie.

 

24-07-2018 départ Narvik- retour Suède

Mercredi 24/07/18  Gällivare - N 67°04'34.42    E 21°19'53.20

gallivare
Première journée de conduite, faut que j'vous raconte ça :
Je déteste conduire une voiture quelle qu'elle soit, ça nous le savons tous. Mais à quel point je déteste, vous ne pouvez guère l'imaginer. Quel mot serait assez puissant pour évoquer mon inquiétude ? Pourvu que je casse pas le petit camion de Laurent !  Rigolez-pas, il est petit ce camion mais camion tout de même. Pourtant, je me sens anormalement maîtresse de moi, dès que j'ai mis le contact. Après tout, suffit d'avancer en faisant atttention à tous les pièges de la route. J'ai du pot car les routes ici comme en Norvège sont très peu circulantes. Pour ce qui est du fonctionnement du véhicule, j'ai quelques soucis. Pas de rétro intérieur. Ce qui me gêne grandement car la visibilité à droite est quasi nulle lorsqu'on débouche ou croise une route. L'autre souci, c'est que, depuis pas mal de semaines, j'ai perdu mes lunettes de vue. Et c'est définitif. Donc je vois flou en vision intermédiaire et je vois rien du tout de près. Bon de près, j'ai pas trop besoin, jai repéré la position des aiguilles utiles et les couleurs. En intermédiaire avec effort, j'arrive à lire les gros chiffres. De loin (ouf!) j'y vois presque normalement... J'ai un autre problème qui amuse Laurent ou le terrorise, ça dépend des moments. Effet probable du stress, je ne désynchronise pas mes gestes. (Ne me demandez pas comment je fais au piano ?) Donc si je me gratte la joue gauche, le petit camion part à gauche, si je tourne la tête à droite, le petit camion part à droite... Forcément, je suis tellement stressée que je cramponne le volant comme une bouée de sauvetage. Tanguage est ici fort associé au roulage. Et le vent n'y est pas pour grand'chose. En plus, les concepteurs de cette mécanique ont eu la sotte idée de faire descendre le frein à main jusqu'au ras du sol. Le siège étant surélevé (les siège avant sont montés sur pivot et font office de fauteuil séjour aux escales) je dois quasiment me coucher sur la portière gauche pour descendre à fond le frein... C'est pas la meilleure des positions pour mon dos... Et je couine de temps en temps. Vivent les démarrages en côte. Je me réjouis d'avance et en attendant je reste lancée sur cette belle route qui file vers la Laponie.
Laurent est d'une zéniture remarquable. On avance avec modération. (trop vite à son gré... ?) Le premier circuit de plus de 200 km m'a permis de prendre en mains et en pieds, l'engin. Maintenant nous faisons des étapes plus courtes et je me sens plus à l'aise. Je ne tangue plus et je ne cale plus... Le petit camion et la légendaire patience de Laurent m'ont apprivoisée. Je dirais même qu'une réelle complicité s'est établie entre nous trois.

foret laponeEt puis au bout du chemin, je sais qu'il y a toujours l'escale. comme disait notre ami Serge, l'escale, c'est qu'il y a de meilleur dans la navigation,  En pleine forêt lapone, Laurent a trouvé un super espace détente, en bord de rivière. Au bout d'une piste à ornières mais je négocie ça pas trop mal. Immense, pas de manoeuvres compliquées pour se ranger. A distance respectable deux caravanes fermées. Quel bel endroit pour se ressourcer. Au réveil mauvaise surprise. Lorsque Laurent se lève, sur sa jambe, sous l'orthèse, s'étale un immense bleu qui couvre jusqu'au bas de sa cheville. Pas beau et préoccupant. Mais les piqûres anti phlébite provoquent peut-être ce phénomène. D'accord mais si ça s'aggrave, paumés ici, on fait quoi ?
- J'ai pas mal, donc tout va bien.
Il détend un peu les scratches de chaque lanière de l'orthèse, histoire de limiter la compression. Le soir c'est le haut de la cuisse qui est tout bleu. Je ne suis plus tranquille du tout. C'est dangereux des vaisseaux qui pètent comme ça, sans un cri ? Nuit d'angoisse. Je me lève plusieurs fois pour m'assurer que Laurent respire normalement, qu'il n'est pas fiévreux... et observer sa jambe. Ce jour n'en finit pas de mourir et de se lever, une vraie nuit blanche. Au lever, la situation s'est stabilisée. Pas de nouvelles traces d'explosions sous la peau.
- Peut-être qu'il faudrait appeler le médecin de Narvik pour avoir son avis ?
- A distance, par téléphone, s'expliquer avec notre anglais scolaire et son anglais scandinave. Ou là là ! Déjà que c'était dur face à face.
- T'imagines, s'il faut baisser les doses de l'anticoagulant. Où c'est qu'on a va trouver une nouvelle prescription dans ce coin aussi merveilleux que perdu ?
- En plus, comme c'est moi qui pilote, on s'en sortira pas. Quand on sait où on va je galère, mais si je sais pas où on va alors là !
- Alors on fait quoi ?
- Le mieux ce serait que tu te poses, que tu bouges pas et ce soir on avise.
Mais nous ne sommes tranquilles ni l'un, ni l'autre. Ni le torrent qui nous envoie de si jolis signaux, ni la forêt qui murmure son silence ne nous apaisent. En fin d'après-midi, je me prépare un thé, Laurent observe les bulles de son eau pétillante. C'est pas la joie à bord
- Et si j'appelais notre médecin de Velaux pour lui demander son avis, au moins on parlerait la même langue.
- J'sais pas. A cette heure tu vas le déranger en pleine consultation. En plus il va même pas savoir de quoi tu parles. Comment veux-tu qu'il te conseille ?
- Oui, mais il aura un avis médical au moins. Et si j'appelle à un autre moment, il sera en visite ou chez lui. Je le dérangerai toujours.
J'hésite, je sais pas quoi dire à Laurent; c'est vrai, nous avons confiance en lui. Si ça tourne mal, je suis certaine qu'il nous dira vous auriez du m'appeler. alors ?
- Alors essaie, tu verras bien.
Comme ce fut simple et bénéfique. Notre médecin étant abonné de "coucounets" et les ayant lus, il était tout à fait au courant; Tout de suite très rassurant. En gros une fracture de la rotule ça guérit bien. Quant aux bleus c'est ce qu'il y a plus normal. Pas de quoi s'affoler. Le genou désenfle, pas de fièvre et marche tranquille avec le soutien des cannes anglaises. Tout va bien... Le temps est avec nous... Merci mille fois, ami Docteur, pour ce soutien optmiste. Nous en avions grand besoin à ce moment là.
A peine retrouvons-nous notre joie de vacanciers, que de grands cris nous attirent dehors. Une sorte de géant a longue barbe broussailleuse, âge indéfini car il marche avec difficulté et pas très droit, mais autour des yeux la peau est lisse, rose et jeune. Le regard clair et pétillant. Il s'empare d'un de nos fauteuils et nous ordonne de nous assoir. C'est quoi ce viking insolent ? (Je reste debout vu que nous n'avons que deux sièges). Il pose trois bières sur la table et un limonadier très jolimnent décoré d'un gros poissons bleu et or. Je cherche des verres. Je m'assieds sur le marchepied du carré. Et là on se coltine pratiquement deux heures de délires plus ou moins éthyliques, plus ou moins paranos, affreusement machos, dans un anglais très approximatif arrangé en suédois, voire en allemand... Une horreur ! Il se prétend artiste. Laurent toujours poli :
- Vous peignez quoi ?
- Surtout des femmes.
- Ah bon, c'est chouette.
- Oui, je peins des vagins...
J'ai poussé un cri. "oh Non !"
Il a rigolé,
- c'est ce que je peins, mais chacun voit ce qu'il veut.
Moi, je vous le dis tout net, dans les coins paradis de scandinavie y'a pire que les ours à craindre. Laurent inébranlable faisait de louables efforts pour essayer de suivre et faire dériver les échanges sur des terrains moins troubles. Pas moyen. Finalement je me suis levée, me suis adressée à Laurent en français.
- Laurent faut qu'on y aille, tu dois marcher un peu avant le repas.
Laurent a traduit. L'artiste m'a regardée d'un air moqueur. Il a continué tranquillement à siroter son fond de bière, déblatérant sur Hitler et Trump, et les femmes (cherchez le rapport ?) avec de grands gestes désordonnés et en entonnant un thème nazzi. Mort de rire par moment, pour je ne sais quelles inepties qui tournaient en rond dans sa tête.
J'ai mis mes chaussures, j'ai tendu ses cannes à Laurent et la main au monsieur. Il a enfin compris. Il a fait silence. Il s'est levé pour nous saluer. Il a remercié Laurent pour la gentillesse de son accueil et il a disparu vers sa caravane à l'autre bout du terrain. Pauvre homme !
Nous avons fait quelques pas dans la forêt, jusqu'à un sympathique pont de bois. Nous avons entendu des hurlements, des cris à peine humains. Notre visiteur faisait-il une crise personnelle, des vocalises ? Pas rassurés, nous sommes rentrés à bord. Nous avons roulé notre auvent, plié notre tapis de sol. J'ai rangé les tables et les chaises extérieures et nous nous sommes rapatriés dans le carré. Prêts à un départ précipité au cas où. Après une nuit tranquille, nous avons quitté ce magnifique endroit.

02-08-2018- à travers la Suède Lapone

caribou
    
vendredi 27 juillet 2018 -Morjvarv - N 66°01420;20   E 22°41'10.13
Nous avons repassé le cercle polaire. Moins impressionnant que de l'autre côté, par la Norvège. Mais toujours des forêts d'épicéas, des lacs, une route très belle. Mais souvenez-vous, je suis au volant, les yeux scotchés au delà du bitume... Alors le paysage, c'est plus trop mon truc. Je veux détecter la moindre ombre qui évoquerait un renne car nous en avons retrouvés sur notre route. Les chemins de forêt sont balisés de leurs petits tas de crottes. Ils zonent dans notre coin, les caribous. Ils sont aussi à l'aise sur cette nationale que les cochons noirs dans les routes montagneuses en Corse. Infestées de moustiques aussi. On s'est fait mordre tous les deux par ces bestioles carnivores qui nous rappellent les vilains maringouins des Laurentides au Québec. Sales bestioles. Cette escales là est pourtant la plus belle de toutes les escales de ce voyage. Au bout d'une large piste, d'environ un kilomètre, une allée royale à peine cabossée. Elle aboutit à une large place de sable dur. Entourée de forêts, au bout du monde. Ici, je peux me sentir calme et en vacances. Trop belles ces claires forêts. Les sapins sont maigres et poussent par paquets. Ici, une maman semble prendre son petit dans ses bras . PLus loin un alignement de quatre ou cinq arbres parfaitement droits prêts à avancer en ordre serré. Ailleurs un attroupement de jeunes arbres un peu en désordre comme des enfants qui joueraient dans la cour. Ne manque que le ballon. Ou là encore, des arbres plus touffus en rond qui font papotage comme des femmes sur la place du marché. Et les traces de rennes à quelques pattes de notre petit camion. Tout un monde ici. Le sol est tapissé de myrtilles et de caillasses. Laurent y fait des petits tours pour marcher mais aussi pour se régaler. Le bonheur tient à si peu de choses.

 

 

 

 


 

Mercredi 1er aout 2018 - Torefors - N 65° 53'18.31  E 22°40' 49.13
fluteEncore une bien belle pause. Encore un long bout de piste. Encore un site parfaitement isolé et quasi désert hors quelques pêcheurs et six baigneurs qui quitteront les lieux en fin de soirée. Nous voilà en bordure d'une forêt de bouleaux, face à un bras de la Baltique. Ambiance caribou. Un ponton désafecté, site idéal pour Laurent qui n'en revient pas. Au premier lancé, magistral faut bien le dire, un esprit malin cramponne et courbe sa linge, la retient. A l'approche un immenses brochet se tortille en happant le vide. Notre chance c'est quatre jeunes gars, à peine arrivés avec leur combi qui sont venus aider Laurent a récupérer la bestiole. Ils avaient une épuisette, eux. On a partagé cette jolie prise avec des garçons plein d'enthousiasme en route depuis Angers vers la Norvège qu'ils venaient de quitter et sur la route de la Finlance puis de la Russie... Un bien beau projet.

brochet
Demain cap sur un camping, à proxité de Luléa. C'est le temps de la laveuse-sécheuse. Y'a des impératifs comme ça auxquels nous ne pouvons échapper. Ce qui me permettra d'envoyer ce message.
Ensuite nous prendrons la route du bord de mer... en camping sauvage. Faut savoir de quoi elle a l'air cette Baltique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

07/08/18 golfe de Botnie

Nord de la Suède - Golfe de Botnie
Moron
Mörön N 65°29'01.69 E 21°57'32;04
Il y a maintenant quelques semaines que j'ai pris en main le petit camion. Nous nous sommes complètement adoptés mutuellement et avec Laurent nous formons un sympathique trio. Je me suis familiarisée au ronronnement du moteur et mon oreille perçoit avec plaisir ses différentes modulations. Finalement, je crois bien que j'y prends goût au pilotage de ce petit camion.
La route que nous pratiquons est une voie rapide style scandinave. C'est à dire qu'elle est à quatre voies ou à 3 voies, limitée à 110 km/h. Sauf que, à proximité des villages, elle est croisée par des transversales. La vitesse tombe à 70km/h voire 50 et ça repart. Certains panneaux dangers nous permettent d'imaginer de cocasses situations. .. Les icônes fréquentes d'un moto-neige ou celle d'un skieur en plein élan qui pourraient débouler d'un layon transversal, nous enchantent. Celui du renne en plein élan n'est pas différent de celui qu'on peut trouver sur nos routes forestières, à ceci près que chez nous, l'icône est un cerf... Fort étonnnant aussi des arrêts de bus en bord de voie rapide. Et régulièrement des espaces de retournement, la barrière de sécurité médiane est interrompue ce qui permet de faire demi-tour sur la voie rapide. Autrement dit, faut s'attendre à quelques surprises. Ce qui est génial et que j'apprécie énormément, c'est qu'il y a peu de monde qui circule; c'est d'un confort remarquable.
Et puis l'autre aspect qui va ponctuer tout ce périple au bord de la Baltique. C'est que nous quittons la voie rapide, pour nous engager dans des espaces de rêve mais... qui se méritent. Accessibles par des pistes plus ou moins chaotiques et qui nous posent quelquefois de sérieux doute; Auquel cas, on se pose provisoirement et on prospecte à pied. C'est ainsi que se concrétise ce merveilleux espace de Mörön. Bord de plage, qu'il ne faut pas rater si vous passer par là. Agréable diversion, Juste un tout petit port de canots locaux fort discret.
           
 canots
En bord de Baltique, la mer à peine aussi large que l'étang de Berre est bordée tout le long d'une multitude d'îles ou îlots peuplés d'arbres immenses. Une forêt s'imbrique dans l'autre. J'imagine une partie de cache-cache fabuleuse en canot à travers ces murailles vertes. La côte a du mal d'atteindre la pleine eau. Les joncs, les graminées ont envahi les bords et cachent de jolies petites criques de sable fin. Nous aimons longer cette côte, cannes anglaises et bâtons de marche à la main. Des sentiers sauvages nous ouvrent de sympathiques chemins dans l'herbe. Nous traversons une forêt de bouleaux dont les pieds baignent dans l'eau saumâtre, puis notre chemin débouche sur l'immense prairie qui protège des habitations. Chaque résident à construit son débarcadère et son accès personnel à la mer. On passe ainsi d'un espace parfaitement sauvage à un espace parfaitement aménagé. Aucun signe ne permet de distinguer où commence la propriété privée. La nature est à tout le monde. A un moment, au débouché d'une forêt, nous avons perdu le layon qui traversait. Un homme ramassait du bois à proximité de son cabanon. Il nous a fait signe pour nous montrer où reprenait le chemin à travers sa propriété... Ainsi se partage librement l'espace dans ces beaux pays scandinaves. Ici, nous avons visité un minuscule musée qui retrace la vie des chasseurs de phoque. Il y a une centaine d'années, c'était le gagne-pain des familles locales. Une grande barque évoque les moyens rustiques de survie de ces pêcheurs-chasseurs, qui partaient en plein hiver pour plusieurs semaines avec très peu de moyens. C'était une longue barque à rames, ils partaient à cinq ou six. Pour dormir et se protéger du froid polaire, ils tendaient une toile au-dessus du fond du bateau. Tout se passait à l'extérieur. Des gamelles rudimentaires et une bouilloire en alu. Des tonnes de vêtements épais pour survivre au froid. S'il est vrai que la chasse aux phoques était barbare, elle ne faisait pas de cadeaux non plus aux humains. Et je frissonne encore en imaginant la cruauté de leur vie de misère à ces pauvres chasseurs. L'été ils vivaient de leurs potagers et d'un peu d'élevage.

 

 

 

 

 

foret carbousLes rennes (caribous) font aussi partie du paysage. L'hiver ils vivent dans les forêts côtières tout à fait librement. Il n'y a plus de troupeaux sauvages (nous a dit la conservatrice du musée);tous les animaux sont bagués. Lorsque la glace commence à fondre sur ce bord de Baltique, ils quittent la côte à la nage et se réfugient dans les îles voisines où ils passent l'été. C'est pourquoi on les croise sur les routes, et c'est pourquoi la trace de leurs passages est aussi visible dans le moindre layon.

vendredi 10 aout 2018
10-08-18 Lövsele- N 64° 17' 57.75   E 21°17'50.21
Encore un endroit exceptionnel dont Laurent a le secret. Une longue piste très chaotique sur plus de 5 km à travers une forêt bordélique. Jusqu'à un étroit sentier juste à la largeur du petit camion. Mais nous le savons tous, désormais, je maîtrise le volant et ne doute de rien. Hardi petit, on louvoie entre les branches qui fouettent le toit.
Laurent n'aime pas trop et au bout de deux kilomètre hasardeux nous décidons d'aller jeter un oeil à pied.... Bonne surprise. Il ne nous manque que quelques tours de roue. Nous débouchons sur une immense clairière avec la plage qui s'offre en contre bas. Encore un endroit de rêve qu'il ne faut pas louper si vous aimez les espaces sauvages et solitaires. Notre campement ici est idéal. Trêve estivale de quelques jours pour permettre au genou de Laurent de se solidifier en toute sécurité. Laurent a décidé de laisser un peu vivre librement son genou blessé et se débarrasse de temps en temps de l'orthèse. Mais les cannes le stabilisent et le rassurent.
Les 9 aout (St Amour) et 10 aout (St Laurent) sont pour nous depuis des lustres des dates que nous chérissons et festoyons. (Olivier et José s'en souviennent-ils ou bien était-ce juste important pour nous ?) Repas aussi joyeux que traditionnel : dés d'avocats salés en apéro, côtes de porc aux fins épices, mitonnées de concombres rissolés, crème de curry, et riz dorés échalote. Dessert : Magnum aux amandes... en prime dans nos verres, un rioja prestigieux soigneusement préservé pour l'occasion. Vu qu'il tombait des cordes, notre sympathique journée a gardé longuement son intimité. Le grondement de la mer déchaînée confondue avec le souffle rauque du vent dans les sapins... Oh là, là là, que c'était bon tout ça !

 

 


poudlardPlus tard, nous profitons d'une éclaircie pour déambuler à travers les sentiers. La forêt sous la brume a des aspects fantastiques, quelque peu abandonnée. Des arbres morts s'appuient sur les troncs vivants. Leurs écorces couvertes de lichens et de mousse sont décharnées. D'immmenses tapis de myrtilles s'éparpillent entre des bosses de fourmilières. Des monceaux de roches couvertes de mousses se disputent la terre avec la forêt. Parole, nous sommes entrés dans la forêt interdite de Poudlard. Dans une clairière, une énorme roche plate couverte de lichens blancs aurait pu accueillir le bal des licornes. Un énorme buisson de framboises sauvages nous a donné rendez-vous pour demain.

Vous nous imaginez tous les deux, l'un sur ses cannes anglaises, qui envoie vers l'avant sa jambe raide, l'autre, le dos de traviole, appuyée sur son bâton de marche. Et tous les deux fort heureux de cheminer étroitement l'un contre l'autre.

Oh là, là que la vie est bonne pour nous dans ce pays.

framboise

Laurent n'hésite pas à tomber les cannes pour se perdre dans les myrtilles où il fait de longues pauses pendant que je ramasse des framboises pour notre diner.


Depuis que nous dormons en bordure de bois ou de forêt (et proximité de la mer, n'y change rien) nous avons entendu souvent ces cris étranges qui nous avaient perturbés dans les fjords. Toujours vers 2h ou 3h du matin, au moment où la clarté du jour s'annonce en clair-obscur. Cette nuit, cet espèce d'appel animal a frôlé le petit camion, mais nous ne sommes pas assez vifs au milieu de la nuit...


 

15-08-18 Golfe de Botnie, pays des forges

15-08-18 - Park skuleskogen.
skolen park
                                                                      
Laurent a décidé de reprendre le volant. Tentative de pilotage. Nous ferons un petit périple à partir d'Uméa pour rejoindre le Park skuleskogen. Parc national formidable. Une fois bien posés, nous ferons à pied un sentier parfaitement balisé au coeur de la forêt. Mais après deux kilomètres confortables des caillasses et une descente un peu violente décourage Laurent. Même avec ses deux cannes anglaises, il ne veut pas prendre le risque; Je le laisse donc sur les rochers et me lance avec bonheur dans la descente. Je déboule en haut d'un escalier de bois. Trente-huit marches quasi verticales qui plongent dans un sentier. La forêt est très dense, l'obscurité est totale. L'appel de la forêt est puissant. Je m'engage avec délice dans cette descente vers le noir, la totale protection. C'est trop bon, ce silence, cette pénombre est apaisante. Environ deux kilomètres, le sentier s'aplatit. Je sors de la forêt et je m'arrête scotchée par le panorama. Une immense plage bordée de forêts, de sable fin joliment rose, un calme souverain... Tout au fond de la baie, à peine visible une toile de tente. Plus loin au large, deux jeunes amoureux chahutent dans l'eau qui leur arrive à peine aux hanches. Je me pose le temps d'un doux rêve. Lorsque je remonte vers le sentier, une grenouille solitaire appelle avec enthousiasme. J'ai longuement profité d'une remontée au ralenti pour m'imprégner de toutes ces sensations qui font le bonheur de mes jours.

 


pont bois
 

18/08/18
J'ai repris mon rôle de co-pilote et j'aime bien aussi. J'ai aussi retrouvé avec enthousiasme ma posture Matayou. Je voyage beaucoup plus confortablement. Laurent a retrouvé l'usage de ses deux jambes. Il prend d'extrêmes précautions et je trouve ça très rassurant. De ce point de vue, il est beaucoup plus sérieux que moi... Ce qui explique qu'il n'ait plus mal au genou et que je continue à grimacer à cause de mon dos...
Nous avons fait de bien belles étapes sur cette route le long du golfe de Botnie. Il y a des multitudes d'endroits où se poser en toutes libertés. Nous avons aussi visité de sympathiques petites villes, Nordingra,Harnosand, Sunsvall, Gävle.

Cap plus vers le sud est... route côtière toujours. Nous traverserons le pays des forges. Villages créés par les industriels qui ont fait de la Suède le producteur de l'acier le plus fameux que toute l'Europe s'arrachait pendant des décennies. Les immenses manoirs qui trônent au milieu de fabuleuses propriétés sont le centre de ces villages. Les ouvrier logeaient de l'autre côté de la route dans leurs maisons ouvrières. L'histoire rend largement compte du prestige de ces richissimes patrons mais elle escamote quelque peu les conditions de vie des ouvriers qui se résument par un laconique. "Ils étaient auto-suffisants et ne manquaient de rien...". Nous avons donc flâné dans ces lieux prestigieux en nous laissant éblouir par leur majesté. Longues bâtisses de communs, jardins à l'anglaise parfaitement alignés autour d'un lac articifiel, sentiers discrets, orangeraie, kiosque rustique... Tranquille comme une promenade dominicale.

Ici les maisons ont perdu leur aspect de chalets aggrandis au fil du temps. Ce sont de grosses bâtisses au toit cassé. Cela leur donne un aspect très imposant. Elles trônent comme des matrones au milieu des annexes en bois qui font le charme de toutes les propriétés scandinaves : réserve de bois, atelier, garage, four à sauna, pergola avec petit salon extérieur, jeux d'enfants... et quelquefois modeste potager. C'est aussi un monde plus paysan. Les corps de fermes sont immenses. La forêt aussi a changé d'aspect. La guerre entre le minéral et le végétal a été déclarée et souvent le minéral a gagné. Les forêts avec leurs dômes de lichens entre les racines des arbres ont été dévastées. Il reste un amoncellement de rochers et de pierres énormes ; les mousses ont séché et y laissent de vilaines traînées comme des blessures mal cicatrisées. C'est un univers chaotique et un peu effrayant. Quelques kilomètres plus loin, la forêt réapparaît avec ses arbres déracinées en travers des arbres debout, et d'énormes souches renversées qui exposent leurs dessous de manière si indécente.

19-08-18 Kallegro  N  60° 20' 46.67 - E 18°15' 28.79

mer
Nous avons visité la sympathique ville de Öregrund. Un très grand port (départ direct vers la Finlande), de très jolies rues bordées de maisons en bois, fort coquettes. Un port de plaisance où nous sommes longuement attardés que les bars et restaurants égaient. Un monde touristique qui se déploie et donne une ambiance très décontractée à la ville. Nous avons failli y rester pour dormir à proximité du port, face à la mer... Mais nous n'avons pas pu nous résoudre à devenir citadins. Cap sur Osthamnar
Et voilà notre dernier séjour dans le golfe de Botnie- Encore une réserve naturelle en bord de mer. C'est une des rares fois où nous ne sommes pas tout seuls sur l'espace. Il doit y avoir une douzaine de campeurs. Mais l'espace est grand et ce n'est pas gênant. Et puis, faut bien revenir à la vie citadine un jour ou l'autre...

 

foet

 


 

20-08-18 Suède suite

lundi 20-08-18 UPSALA -

rameuse           
Nous entrons dans des zones nettement plus urbanisées. Les forêts toujours denses sont ici domestiquées. Des lacs à profusion, et une véritable autoroute mais d'abord pause à Upsala. Ville de Linné et Ingmar Bergman. Une très jolie ville. La vaste cathédrale (construite de 1270 à  1435) toute en briques rouges, est un vrai bijou. Ses deux flèches dominent à 120 mètres. Ici, une profonde méditation s'impose et ça fait du bien. Nous avons longuement flâné dans des rues piétonnes vivantes et tranquilles à la fois.  Les étudiants sont en mode bizutage, la rentrée se fait dans la joie générale. De belles promenades sont promises le long du Fyrisan, qui traverse la ville. Si je devais m'expatrier en Suède...

 

 

 

 

 

 

 

 


upsala
Cap sur Stockhom. C'est le bout du majestueux lac Malaren que nous avons longuement longé avant notre arrivée en ville. Nous devons traverser la capitale pour atteindre notre étape en périphérie. Un peu étonnés d'entrer là sans quitter l'autoroute, un immense échangeur train, métro, voiture bus et ferries.... tout ça sur le même pont.... Il est 18h00 et la circulation est très fluide... Aucun problème.  Nous trouvons un petit camping familial au bord d'un lac, absolument calme à quinze minutes à piedsdu métro pour Stockholm la grande...  Et nous voici, en route, petites foulées tranquilles, (Le pas un peu lent de Laurent m'impatiente quelque peu- et me donne mal au dos) le long d'une allée en partie le long du lac. Au bout, se trouve la station de métro en plein quartier de villas très chics. Mais nous n'arrivons pas jusque là. A dix minutes du camping, Laurent se pose sur un banc, l'air soucieux. Il vide son sac à dos, fouille ses poches.
_ J'ai oublié mon porte-feuilles au petit camion ?
- Pas grave j'ai le mien avec ma carte bleue.
- Super... on n'a pas besoin de faire demi-tour alors !
Nous voilà repartis à l'assaut de quelques côtes courtes mais bonnes. Quinze minute de suées mais fort agréables. Nous essayons la borne automatique pour l'achat des tickets mais elle refuse ma carte bleue visa. Pourtant, elle a servi à retirer du liquide en Norvège. Nous nous présentons à un guichet. Une dame fort avenante d'une quarantaine d'années nous accueille dans un anglais aussi approximatif que le nôtre. Nous pouvons avoir quatre billets (AR) avec prolongation jusqu'à minuit. 14 € pour nous deux. D'accord. Bien entendu ma carte bancaire se met en défaut et nous n'avons pas un sou en espèces. Pas de banque avant la ville (une dizaine de kilomètres)  pour tenter un retrait. Après plusieurs tentatives, (la dame tente de mystérieuses manipulations sur son terminal), rien à faire. Laurent émet de sérieux doutes sur mon code. (ce qui m'énerve prodigieusement)  Il demande quelques minutes et via smartphone essaie d'interroger je ne sais lequel de ses comptes pour contôler la validité de mon code. Un bon quart d'heure se passe en vaines manipulations des deux côtés de la vitre. Qui devient lentement une bonne demie-heure. Heureusement pas un chat ne se présente au guichet. La dame régulièrement m'adresse des sourires désolés et patients. Je la prie de nous excuser pour tout ce temps perdu.
- Pas de problème, j'ai que ça à faire.
Finalement Laurent confirme que le code est bon. Nous hésitons. On retourne au camping et on zappe la visite de la grande ville ? Ce qui me fend le coeur. Ou bien je cours de mon pas impatient jusqu'au camping récupérer les papiers de Laurent; Laurent ne veut pas faire l'aller-retour (une petite demie heure de pas rapides en montées et descentes, c'est hors de sa moblité actuelle). La dame du guichet d'un air contrarié :
- dois-je annuler vos billets ?
- Non, non, je vais chercher nos papiers au camping.
Je laissse Laurent à l'extérieur, proche d'un square avec bancs accueillants. C'est là qu'il doit m'attendre. J'avoue que je suis enchantée de reprendre à mon rythme soutenu la belle allée le long du lac. Mais je flâne pas.


barques
Lorsque je me pointe vingt minutes plus tard au métro, Laurent est invisible. Comme d'hab je n'ai pas jugé utile de m'embarrasser de mon tél portable. Le croirez-vous, j'ai cherché Laurent pendant plus d'un quart d'heure. Je fulminais. Mais où diable était-il allé ? Pourquoi n'est-il pas resté dans ce minuscule square bien visible ? J'ai fait le tour du petit supermarché (coop, c'est une enseigne très répandue ici) Je ne sais combien de fois le tour de la place,  une mulititude aller-retour entre le square et le guichet métro. La dame toujours aussi patiente m'adresse des sourires compatissants... Elle doit penser que Laurent m'a plaquée... Je sens dans son sourire une grande pitié. Ma crainte plus réaliste, c'est que peut-être Laurent s'est emmêlé les pieds en agitant les bras (on a déjà vécu ça, y'a pas si longtemps) ou pire qu'il a eu un malaise... Faut-il me mettre à pleurer ? Finalement, ça fait maintenant vingt minutes que je piétinne. Je décide de retourner au camion, là-bas j'aurai le secours de mon téléphone portable.  Décision prise, l'action me fait du bien et je repars en petites foulées.  Au moment où je m'engage dans la descente vers le lac, je croise, devinez qui, de son pas tranquille qui remonte du lac.
- Mais qu'est-ce que tu fais là ?
_ Le square était plein de courants d'air. J'ai préféré m'assoir sur ton chemin en guettant les passages pour pas te rater.
- Vraiment et t'as pris bien soin de te planquer alors ?
- Pas du tout, je t'ai vraiment pas vue. Sauf une femme qui m'a laissé un doute, elle était vachement belle, elle te ressemblait ! C'était pas toi.
- Forcément si elle était trop belle, impossible que ce soit moi !
- Pfuit, tu dis n'importe quoi.

 

 

 

 

 

 


stockholm
Bon, on se calme, on est dans le métro en Suède, en route pour Stockholm ! On a perdu assez de temps comme ça, on va le perdre en plus avec des fâcheries.
Quelle ville. Elle est distribuée en une multitude d'îles (14 îles principales comme autant de quartiers, avec chacun son caractère. Médiéval, commerçant, historiques ou administratif et résolument moderne. Quartier ouvrier, étudiant, ou bourgeois avec d'étonnants hôtels particuliers ou carrément bucolique.  Plus de 80 édifices  (musées, palais, châteaux... dont certains dominent les côteaux) Nous y passons de bien beaux moments et le plus extraordinaire dans la cathédrale. Ce qui nous a le plus séduit, c'est qu'on passe si on veut d'une île à l'autre (d'un quartier à l'autre) par des navettes maritimes. C'est chouette. Notre idée c'est de revenir en séjour exclusif (au moins une semaine) à Stockholm... par avion et à l'hôtel en ville. Quand on sera vieux ! avec la carte bleue sénior précise Laurent.


jeudi 23 -08-18 Jönköping - N 57° 46'32.86     E 13°50'31.97

Depuis que nous sommes revenus vers le sud l'ambiance change considérablement. Ici le vélo est redevenu roi des pistes. Les routes et rues y sont parfaitement aménagées et c'est un vrai danger pour le petit camion car ils déboulent de manière un peu sauvage. Quant aux risques piétons, j'ai forcément failli me faire renverser quelquefois par un vélo fou... Ils sont pire que les mouches au bord des forêts. Ils arrivent par nuées. Ils passent de tous les côtés dans les deux sens. Impossible de les affronter, faut se planquer. Je hais les cyclistes urbains. Par contre et ça ne manque pas de nous étonner, les automotilistes sont exemplaires. Dès qu'on se présente au bord de la route, ville ou campagne, on nous cède systématiquement le passage. J'en use et j'en abuse, c'est trop sensationnel.


linkopinh
Remettons nous de nos émotions urbaines. Notre nouvelle étape est en bord de lac.  Les zones rurales sont aux portes de la ville. Mais ce n'est plus le même genre de séjour. La socialisation est partout jusque dans les forêts, qui deviennent fort disciplinées et les champs parfaitement rasés, et les prairies coupées à ras. Et les fermes opulentes et immenses. Nous avons définitivement perdu la trace des rennes. Il n'y a plus les sympathiques panneaux dangers, skieurs ou moto-neiges. L'autoroute est une vraie quatre voies, monotone mais sécurisée. Notre cap est une légère remontée vers l'ouest vers Götebörg que nous envisageons de visiter. Mais à la recherche d'un lieu sûr, nous nous rendons compte que la ville est fort douteuse. Les vols et fractures de portes sont fréquents dans les parkings urbains. C'est la ville migratoire dans tous ses excès. C'est plus négligé, plus douteux, plus cosmopolite aussi. Ainsi, le danger ne vient pas de la nature profonde, aussi sauvage qu'elle soit, mais bien des zones urbaines. Nous décidons de faire l'impasse sur cette grande ville portuaire. Nous ferons de petites étapes en bordure de village, "au p'tit bonheur la chance" ma méthode de recherche favorite. Et nous reviendrons à Götebörg dimanche matin pour prendre le ferry et passer au nord du Danemark. Voire un peu à quoi ressemble ce nouveau pays.
Ainsi nous perdons définitivement de vue ce nord scandinave que j'ai tant aimé... Nostalgie déjà. Ouste on se reprend. La perspective de trois heures en mer a de quoi me réjouir pour dimanche.

 

01/09/18 Danemark retour

bateau

Dimanche matin 26 aout 2018, 9h10. Nous quittons le port de Göteborg Suède (pour info prix de la traversée pour nous deux et le petit camion (7m) 166 € (3h30 de mer). Compagnie Stenaline, un immense ferry de dix étages.  3 étages dédiés aux véhicules, 7 étages pour le confort des passagers... Autrement dit une totale opulence et un accueil extrêment luxueux. On se case dans des fauteuils en terrasse couverte, baies vitrées en poupe... La mer est calme à peine ourlée de petits bandeaux d'écume. Une ligne de nuages en wagonnets blancs se poussent dans un ciel parfaitement bleu. Est-ce l'altitude de notre terrasse, est-ce la mer archi-plate, il me semble que j'aurais juste à lever les bras pour toucher les nuages. Le ciel à portée de main, n'est-ce pas extraordinaire ?
Débarquement facile à Frederikshavn, pas de douane à l'arrivée au Danemark, pas de contrôle d'aucune sorte... Nous prenons la route côtière vers le nord de l'île. A babord, côté terre, ce sont de grandes zones agricoles. A tribord, la mer, de plus en plus agitée vers le nord. Puis d'un coup, la terre disparaît et nous sommes noyés dans un monde de dunes à perte de vue. Désert total, le vent forcit. Température autour de 15° mais ciel clair. A l'affut des images, je guette un avion échoué dans le sable, la silhouette d'un aviateur exaspéré et celle d'un jeune garçon aux cheveux blonds comme les blés, l'écharpe blanche au vent. Ces choses qui n'existent pas me comblent de bonheur.
Nous passerons la journée à la pointe extême nord. Grenen est un endroit fabuleux.  Ici s'enlacent  la mer du nord et la mer Baltique... Leur étreinte est farouche et le vent d'une violence rare. La mer y est tumultueuse. Pas la peine d'envisager un bain de mer. Quel dommage !
A Skagen, village voisin, Laurent a repéré un abri pour la nuit entre les dunes. Nous quittons la route littoral pour nous engager sur une piste sable et herbes... Et des dunes herbeuses qui se déploient devant nous. C'est le bout d'un autre monde.

Lundi 27 aout 2018  SKAGEN N 57°36'09;35    E 10°14'15;72

dunes
Le vent a secoué le petit camion cette nuit, il a rugit fort dans notre habitacle. Il ne m'en fallait pas plus pour ressentir un sympathique roulis qui m'a délicieusement bercée. Quelle belle nuit. Aux aurores, la pluie jouait des castagnettes sur le toit du petit camion et le roulis s'est accentué.
- Laurent qu'est-ce qui te plait le mieux dans cette ambiance ?
- De pas m'inquiéter pour la sécurité du mouillage...
A chacun ses petits bonheurs du jour.
Mardi et mercredi seront consacrés à des visites "culturelles". Le remarquable musée de la marine à Aalborg. Un labyrinthe de salles y exposent foultitude de maquettes, plus fines, plus belles les unes que les autres. Des instruments de navigation inattendus, des appareils de propulsion, des costumes historiques et même de la vaisselle de bord.  Toute une salle dédiée au naufrage du titanique avec l'ambiance dans les glaces... Mais aussi de vrais navires, un poste de pilotage virtuel dont Laurent prend les commandes.  Il ne nous ménera pas à "bon port" mais nous aurons explosé un voilier, une digue et un ferry... avant de nous couler nous-mêmes. C'est rigolo et sympa quand c'est pour du beurre !  A l'extérieur expo de ports miniatures ? de villes maritimes pour traîner en toute tranquillité et le clou du musée, un vrai sous-marin, "le pringenen". Un escalier métallique nous mène à ses entrailles. Je suis suffoquée par l'odeur de graisse chaude, et l'obscurité, d'humidité (dehors il pleut). Merci, ça me suffit ! Laurent s'enfonce dans cet étrange tunnel. Je trouve un coin abrité pour méditer sur tout ça... Tous les quarts d'heure une sonnerie dans le sous-marin sonne pour alerte fictive. J'en laisse passer deux, puis je m'inquiète, ça fait un moment que j'attends. Va falloir que je fasse porter Laurent disparu. Je me coltine l'enfilade de salles (au moins 500 mètres) au pas de course. A l'accueil, personne n'a vu Laurent et je ne veux pas entrer dans le sous-marin  à sa recherche. On tergiverse avec mon anglais douteux c'est plutôt du folklore. Finalement, une dame aimable m'accompagne. Lorsque nous sommes sous le navire, Laurent arrive à babord. Il vient vers nous, d'un pas tranquille et régulier,  vous savez comme le flâneur dans "les tableaux d'une exposition"... Il y a avait aussi par là un navire de guerre à explorer... Fallait pas rater ça. Je le sens encore imprégné de ce qu'il a vu et imaginé de ces vies à bord. Il y a en lui quelque chose de magnifique dans sa sénérité à ce moment-là. J'adore !

chateau

Mercredi soir -skörkping- N 68°48'11.00- E 9°55'00;00
Nous avons pénétré dans la plus vaste forêt danoise, hêtres et conifères immenses, marais et lacs. C'est le parc national Rebild. Cette forêt n'a pas la sauvagerie, ni le chaos des suédoises que j'ai tant aimées. Mais elles sont tout aussi tranquilles et sécurisantes. Encore un étonnant bout de piste où Laurent excelle désormais et nous voilà seuls au monde... Avec au soleil couchant, la lune levée sur le lac. Un petit bout d'éternité nous frôle.  A 22h, un véhicule arrive à vive allure, il se range devant nous. Puis plus rien. Qui est cet olibrius qui perturbe une si belle soirée ? Plus tard encore, nous sommes surpris d'entendre dans cette solitude, le son léger d'une sorte de harpe celtique... Puis vient la vraie nuit. Lorsque nous émergeons d'une nuit tranquille, notre voisin nous adresse de grands signes d'amitié. Laurent va vers lui. Il a envie d'en savoir plus sur cette étrange musique; et nous rencontrons un homme d'une cinquantaine d'années, sec mais zen... qui dégage une odeur indéfinissable... L'homme vient du Pays de Galle et son accent est épouvantable, à cela s'ajoute le nôtre avec toutes nos approximations... alors j'ai peut-être pas tout bien compris. C'est un intégriste à sa manière; Il ne vit que d'amour et d'eau fraiche. Il compte sur la nature et la méditation pour garder la forme, et la musique. C'est un saltimbaque qui vit de sa musique de rue. Il sort l'instrument qui nous a  bercé la veille. Une sorte de grand chaudron en métal léger au couvercle bombé. Faisant cercle tout autour, avec un gros creux au milieu, huit empreintes adaptées à la pulpe du doigt permettent de jouer 8 notes. Notre musicien nous dit que cet instrumen, qu'il appelle "hand pan ? "  se joue sur une gamme japonaise ????  Qu'il nous joue, mais dont nous ne reconnaissons pas le timbre oriental. Il égrenne pour nous de sympathiques arpèges. Une chouette somnambule, les yeux tout pisseux vient se poser là et se laisse bercer. Quelque chose de divin nous frôle.

 

 

ville

Nous ferons un petit tour à Viborg, ville de province typique du  Danemark. On aime bien les rues piétonnes animées mais sans bousculade, des citadins qui flânent. Et de magnifiques édifices, de briques roses ou jaunes, comme toutes les constructions ici.


Jeudi 30 08/18 -
chateauLe long de cette côte ouest, encore une visite culturelle au château 16è de Spottrup. Encore un lieu au mileu des dunes. Puis nous nous arrêterons pour flâner à Ringköping, belle petite ville typique avec un port de pêche qui nous a retenu un grand moment;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

phare

Nous nous engageons ensuite dans une sorte de langue de terre sableuse, Homlsland klit, qui sépare le fjord de la mer. Nous nous installons dans un camping proche du phare de Norre Lyngvig... Le matin nous partons à travers les dunes pour atteindre la mer du nord à 1 km de là, au pied du phare. Laurent préfère grimper, moins je préfère contourner. Mon sentier me mène à travers des bruyères brunes, vertes, roses ou mauves qui se mêlent, avec quelquefois l'éclair d'une minuscule fleur jaune...  Laurent disparaît quelquefois caché par le dos d'une dune colorée et lumineuse. Je me laisse émouvoir lorsque le haut de son crâne blond réapparaît. Belle partie de cache-cache qui se joue entre lui et moi, à son insu. Sous le phare, la mer du nord roule ses vagues le long d'une plage quasi déserte. Le vent fort de la nuit a dessiné de jolies dentelles dans le sable immaculé. Tout est immense ici. Magifique.






 

09-09-18 Danemark -Allemagne

digues

01/09/18  - TOFTUM - PARK DE L'ECLUSE -
La route qui nous mène à l'île de Romo est une digue sur la mer qui nous enchante. Bordée de prairies,  vaches et vachettes, chevaux, moutons et chèvres... tout ce petit monde se partage librement l'espace. A quelques kilomètres de l'écluse au bout de cette piste, un alignement de voitures nous intrigue. Plus loin un attroupement d'une cinquantaine de personnes, grosse tache noire qui s'étale sur le bas-côté. Accident ?  L'évènement doit être exceptionnel. Il y a si peu de places pour passer. Une femme s'approche, côté conducteur. Explication en anglais  bien entendu.

 

 

- Pourquoi tout ce monde, que se passe-t-il ?
- Nous attendons le "soleil noir".
- Soleil noir, une éclipse ?
- Oui une éclipse de darkbirds.
-Une éclipse de corbeaux... ?
- Oui, lorsque le soleil se couche. Vous pouvez passer lentement et vous garer plus loin.
Fichtre quel évènement en effet !
Nous continuons lentement jusqu'à l'écluse qui contient les assauts maritime. La digue, est un chouette rempart contre la mer. Un foule considérable s'est rassemblée en haut des pentes herbeuses, face au soleil qui descend sous l'hori zon. Les mammifères  broutent, nullement perturbés par ce peuple qui piétinne son herbe. Nous trouvons pour le petit camion, une place très sympathique au bord de l'écluse. L'écoulement de l'eau nous bercera agréablement toute la nuit.
Bien installés, nous partons à l'assaut de la digue et aux infos concernant cette étrange éclipse.
Et là, nous rencontrons un couple vraiment agréable. Il nous montre des extraits de journaux (en Danois, on risque pas de comprendrles images sont belles. Ainsi à ce moment de l'année, les étournaux (sansonnets) se rassemblent ici. Ils organisent leur convoi de navigateurs des airs. Ils passent en troupes très serrées, en rubans dansants qui roulent et se déroulent. De gigantesques arabesques qui ferment le soleil et font sur terre une pénombre totale... une sorte d'éclipse. Il faut donc guetter le moment.
- Oui, mais vous êtes certain que c'est aujourd'hui ?
- Non, bien sûr, il faut venir tous les soirs pour saisir le bon moment.
Donc nous guetterons, ce soir là, et le suivant. Mais nous ne verrons pas le "soleil noir" des "black birds"
Cette étape un peu longue nous a permis de retourner visiter la magnifique ville de Ribes.  C'est une ville qu'il ne faut pas rater. Nos deux visites nous ont  vraiment séduits.

05/09/18  Lac WIETELSEE au bord de la Weyle. N 53°004 31.53  E 8°53'57;65

ville

Nous sommes passés en Allemagne sans vraiment nous en rendre compte. Nous quittons le Danemark salués par les trois pavillons de pays Nordique. Nous entrons en Allemagne accueillis par les pavillons, européens, allemand et français.
Mais les villages changent d'aspect, plus proches des rues pavées et maisons à colombages, familiers au monde alsacien.
Mais ce qui nous choque le plus, c'est les champs d'éoliennes, par centaines. C'est un vrai spectacle. Au milieu des prés, au milieu des champs. Les tracteurs qui labourent au pied de ces monstres ont l'air d'engins miniatures. On les trouve continuellement au  bord des autoroutes ou des nationales. Ces mobiles géants montent une garde presque angoissante tant c'est important. Pour me rassurer, je me dis qu'ainsi l'Allemagne prend très au sérieux la protection de la planète. Lorsque les châteaux forts ont été construits sur les hauteurs, visibles de loin, ont-ils défiguré les paysages en leur temps ? Dans quelques centaines d'années, y aura-t-il des circuits touristiques organisés genre, la route des éoliennes, comme on fait la route du vin ou celle des des châteaux de touraine... On trouverait alors, ces vestiges émouvants et aussi beaux qu'impressionnants.


 

 

 

 

05/09/18  Lac WIETELSEE au bord de la Weyle. N 53°004 31.53  E 8°53'57;65

wiese
Toujours de sympathiques étapes en bord de rivière ou au milieu des prés. Proches toujours d'une ville médiévale dont nous arpentons les pavés avec enthousiasme; C'est un bien beau pays sous nos pas. Laurent est fort adroit pour nous dégoter des lieux toujours accueillants, toujours très tranquilles, et toujours au milieu de nulle part. Je me fie complètement à lui. J'adore.
Nous quitterons notre parc à moutons (une fois habitués à nous, on ne les a plus entendus sauf de loin en loin, un agneau en perdition qui appelait sa mère) pour notre première journée d'été. On range enfin les polaires et la couverture. On sort les sandales et les shorts... Oh que ça fait du bien cet air délicat à 26° en journée.

 

 

 

 

 

 

ville
Après Itzehoe Laurent décide de passer au sud de l'Elbe par la barge locale que nous prendrons dans un village au nom sympa, Gluckstadt.  On a du pot on ne fera la queue qu'une heure. Il y a de chaque côté de la barge une sorte de pont extérieur que je vais explorer; et j'y rencontre un charmant passager allemand qui engage la conversation en français qu'il n'a pas pratiqué depuis l'école, il y a une bonne trentaine d'années. Vous imaginez la profondeur de notre conversation de trente minutes. Il me sourit, quelques mots que je ne comprends pas. Et la conversation démarre. C'est moi qui m'y colle ...
- Je connais l'île d'Elbe, mais la rivière j'avais jamais entendu parler...
J'ai beau retourner cette formulation dans tous les sens, il ne comprend rien. Ce qui nous permet de joyeux fous-rire quand il essaie de reprendre et de comprendre. Finalement il m'explique laborieusement. Je résume de longues minutes d'explication en mots hachurés et pêle-mêle.
- L'Elbe court sur 120 km depuis la Yougoslavie jusqu'à la mer du nord. Elle est navigable... Elle est magnifique...
(Faudra que je vérifie tout ça à mon retour)
Puis je change de propos et je le surprends.
- Comment vous appelez-vous ?
Il ne s'attendait pas à cette question et ne comprend pas tout de suite, forcément, il était pas encore dans ce contexte là... Il était resté sur l'Elbe.
- Je m'appelle Jeanne, et  vous comment vous appelez-vous ?
Il ne comprend toujours pas, pourtant je parle lentement. Dois-je me mettre au langage "Tarzan". Non, son regard se concentre, ses sourcils se froncent. Il cherche ses mots.
- Ah oui, Jeanne,  comme Jeanne d'Arc.
- Oui, et  vous ?
- Je, moi ?
- Oui, vous !
- Oh j'aime bien Jeanne d'Arc.
- Oui, mais comment vous appelez-vous ?
Son visage s'éclaire.
- Ah, Moi, je m'appelle Klaus.
- Oh, comme Santa Klaus, Saint Nicolas, mois aussi j'aime bien
Et là, il me lance un regard parfaitement moqueur.
- Non comme Klaus Sarkosi, vous aimez aussi ?
- Pfuit !
On rigole de bon coeur et on se quitte car nous débarquons. Certaines rencontres comme ça, éphèmère et parfaite me mette en joie.

06/09/18  Guxhagen N 51° 12'09.72 E 9°28'47.82

ville
Encore de  belles bourgades médiévales dont on ne se lasse pas. Et qui nous permettent de nous défouler un peu les jambes.  Nous nous arrêterons longuement à Nienboug. Puis nous longeons la Fulda. Encore une rivière agréable et verdoyante malgré les éoliennes qui dessinent leurs hautes silouhettes au delà des prés. Elles sont plus discrètes en petits paquets ou carrément isolées. Moins envahissantes dirons-nous. Mais incontournables.
A Weyle, belle étape et nuit parfaite proche d'une marina de la rivière Weser, haut lieu de pêche. Nous sommes estomaqués qu'au moment où le petit camion se sent parfaitement garé, un homme nous fasse signe de nous déplacer. Il nous guide juste devant, face à la rivière, vue imprenable mais un peu envahie de mauvaise herbe.
- Attendez !
Il revient avec une serpette et nous dégage un bel espace de camping tout propre puis retourne à sa pêche. Encore une belle rencontre.
Nouvelle étape à Guxhagen, au bord de la Fulda.
Nous trouverons un bel espace herbeux en bord de rivière toujours. Un grand mesti s'y prépare. Nous nous échapperons avant les folies festives. Pour ce soir, de l'autre côté de la Fulda, le clocher chante régulièrement. J'aime tellement cette ambiance. Un peu de pluie et un p'tit orage pour combler ce bonheur du jour.


 

 

 

 

 

 

 

 

08/09/18   N 49°14'18.65  E 8° 41'07.09 6  MALSCH

avions
Nous dépasserons Eidelberg. J'avais souhaité m'y arrêter un moment. Mais l'entrée en ville à travers des rues en travaux permanents, fort encombrées et mal accessibles nous ont découragés. Avec aussi l'impression que cette ville est surtout industrielle et commerciale... Mais ce n'est qu'un avis de passage, nous n'avons pas approfondi. Tant pis. Nous prenons la direction de la Forêt Noire. Notre première étape un peu inattendue est un régal. Au milieu d'un aéroclub. Les responsables nous autorisent à nous caler au bord de la piste. Demain, l'activité ne commence qu'à 11h le matin. Nous pourrons nous offrir le luxe d'une grasse mat. C'est une autre ambiance dès 10h, on sort les aéroplanes, le gros camion qui  va les tracter sur 1km se met en bout de piste. Les voitures tirent les engins en file prêts à décoller.. en fond d'écran le clocher de l'église et les premières maisons du village, une sympathique bute plantée de vignes. C'est à la fois bucolique et d'une ambiance un peu fiévreuse.

Dans l'après midi nous reprendrons la route pour une autre étape en Forêt Noire. La plaine devient brune. Les maïs courbent leurs épis bruns avec lassitude comme des petits vieux sur leurs pieds grêles. Les tournesols terrassés par l'été baissent la tête humblement, lourds de leurs graines sombres. Le soleil les fatigue. C'est ici le temps des regains et les prés aussi s'étalent en lignes sombres d'herbe sèche. Seuls les vignobles nous renvoient leur lumière métallique de raisins murs. Et les forêts sombres qui nous appellent. La ligne bleue des Vosges se perd à tribord... Nous voici à Freiburg en Brishgau. Encore une bien belle ville.

De pause en pause, nous nous rapprochons du sud de la France. Mais de bons moments nous sont encore promis. Je vous ferai grâce de cette fin de périple plus ordinaire qui nous arrêtera dans quelques jours dans le Jura, puis plus au sud. Prendrons-nous Grenoble puis  la route Napoléon que nous aimons  bien tous les deux ?
Je pense que début octobre nous serons opérationnels à Velaux. Je vous enverrai un mot depuis chez nous dès que nous serons posés.

Ce fut un extraordinaire voyage.

jalau
Chantent toujours dans ma têtes, les clameurs des rennes.

 

Dansent toujours devant mes yeux les immense forêts de laponie suédoise...

et les forêts enchantées de Poudlard.
 

Et je continue de rêver.