28 novembre 2004 / le Chatam Extrême
de Georges JEANNOT

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Sillonner la Côte Bleue et partir en vadrouille pour aller débusquer Georges et Pauline, c'est un enchantement. Nous avons tellement l'habitude Laurent et moi de longer la côte en naviguant que nous avions oublié La Couronne, Sausset ou Carry vus de la terre.
Que de jolis secrets ils cachent dans le creux de leurs calanques ces petits coins de Provence !
A travers les rochers de l'Estaque, nous déboulons sur un ruban de route qui frange le bord de mer. Le soleil hivernal adoucit la lumière bleue qui crache du ciel. Et puis nous quittons la mer pour nous enfoncer dans un vallon peuplé de pins et de maisons tranquilles.
Avez-vous déjà ressenti cet étonnement lorsque vous allez quelque part d'inconnu? On vous a expliqué comment arriver, avec forces détails et repères.
- En gros c'est facile, tu vas toujours tout droit. Au rond point tu descends à droite. Tu guettes une allée de nouveau sur la droite, voilà c'est au fond "
Sauf que, le rond-point c'est bien joli, mais est-ce bien celui-là ? Et la route qui descend à droite, la première, est-ce ce chemin là devant vous ? Alors vous hésitez, vous vous engagez au petit bonheur en cherchant des indices qu'on ne vous a pas donnés. Bon allons-y... Miracle, on y est !
L'endroit est magnifiquement paisible.
Dans un creux de chemin, la maison de nos amis est tout simplement là, comme promis. Georges déguisé en homme des bois (il fait du nettoyage dans le jardin) nous accueille avec un grand sourire, et nous mène directement au vif du sujet, la construction de son navire.
J'avais entendu parler d'un plan Caroff de 9,95 mètres de long et 3,50 mètres de large en acier. Je ne sais pas ce que ça représente pour vous les filles, l'acier. Mais pour moi, c'est un métal brillant, lisse, propre... Un peu comme une couronne dentaire. J'imaginais donc une espèce d'ossature faite de poutres et d'arceaux, quelque chose d'immense, d'architecturale un peu surréaliste. Que ça évoque la structure d'un voilier avec ses rondeurs et son vaste ventre... Mais que ce soit brillant ! Première vision, premier choc en découvrant au fond du jardin une construction en ferraille qui de loin paraît mangée par la rouille.
Faut pas m'en vouloir les mecs, je n'avais jamais vu un bateau en acier... en construction...
Georges est un homme modeste, mais ne vous y trompez pas. L'homme a de l'envergure. Il s'est lancé dans cette construction avec enthousiasme à l'aube du nouveau millénaire. Un temps considérable consacré à l'organisation du chantier a vu filer à toute allure quelques mois trop courts. Parce que si on envisage d'assembler les varangues, les lisses et les tôles, il faut prévoir de les déplacer et les mouvoir... Et Georges pour se dépatouiller avec son mécano géant a réinventé les astuces de l'Egypte ancienne. Il a ainsi installé des cerceaux vireurs destinés à retenir dans leurs rayons la carcasse du Chatam une fois montée. Un système impressionnant de roulements et d'engrenage permet de tourner ou retourner toute la construction. Belle allure cette carcasse prisonnière de son berceau géant. Je m'approche avec prudence d'abord, puis de plus en plus captivée, de plus en plus émerveillée.
C'est encore la rouille des tôles qui me fascine mais d'une autre manière. Parce que ça représente très exactement le temps, les efforts, la détermination qu'il a fallu pour donner de la réalité à ce rêve, dériveur intégral, 3mm d'épaisseur pour la coque, 6 mm pour les fonds, qui ressemble déjà à ce qu'il sera une fois vivant. Georges nous explique sa technique de soudure, qui pour le moment n'est que pointée. Nous visitons le cockpit, puis nous pénétrons dans les entrailles vides du navire. L'espace est prêt pour les couchettes, la table à carte, la cambuse et le carré. Les cabines dont on imagine les cloisons et les décors chaleureux, l'espace moteur qu'on entend presque ronronner. La dérive et les deux safrans sont dessinés sur les tôles et prêts à être soudés. Georges planifie sereinement la finition de ses soudures et le sablage qui lui permettra de faire une beauté à sa coque d'ici l'été prochain. Son regret c'est de n'avoir pas prévu son chantier sous abri. Il est souvent bloqué par les intempéries. Le vent, la pluie et même quelquefois le cagnard au plus fort de l'été, ça ralentit sérieusement le rendement. Surtout que le plus grand des bonheurs pour Georges, c'est de travailler à son rythme et pour le plaisir. Et comme rien ne presse pour lui., si en plus la météo l'invite à se laisser vivre....
C'est bien connu, pour qu'un chantier avance, il faut se donner des échéances, surtout lorsqu'on est à la fois Maître d'oeuvre et ouvrier et qu'on travaille tout seul. Georges a de l'astuce et sait se mobiliser.
A Pauline, il a fait le serment d'un homme inspiré : " quand je me serai fait la coque, je couperai mes cheveux mais pas avant... " Avant qu'on se quitte Georges en rigolant nous déploie sa belle chevelure sel de mer et poivre gris. En quatre ans ça en fait des décamètres...
Notre ami Georges est un artiste à sa manière, à quelques frisettes près, pour peu qu'il sorte sa guitare, on le prendrait pour Léo Ferré. T'en as de la chance Pauline !

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