Nouvelle épopée moto et vous pouvez nous envier cette programmation : chantier Ucap de Bernard et Sylvie à Nice, puis retrouvailles avec de vieux potes de traversée atlantique à Antibes. Deux villes prestigieuses, des liens affectifs profonds, que du bonheur en perspective.
Cap vers notre premier rendez-vous. A l’entrée de Nice nous quittons l’autoroute pour musarder sur une rive du Var à travers de larges zones de maraîchage plus ou moins abandonnées. Certains espaces ont été recyclés en chantiers, métallurgie, bois, ou autres. On repère le portail blanc qui devrait s’ouvrir pour nous. Après quelques tentatives désespérées pour le forcer Laurent se souvient soudain d’avoir noté « quelque part » le code secret............Ouf !
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Entrez donc avec nous ! |
C’est un immense plateau qui s’étale au pied de l’autoroute et de ses bretelles, près de la voie ferrée, bien plus loin que la rivière. Les champs devenus incultes ont été loués pour parquer des ruines de voitures, de fourgons ou d’embarcations à moteur. La pluie de la veille argente les tôles, là où la rouille n’a pas encore pu s’inscrire. La verdure s’étale à perte de vue. La serre où se cache le navire est tout au bout d’un champ que nous n’avions même pas repéré, presque à l’entrée de la zone.
Bernard vient à notre rencontre en salopette d’ouvrier. Juste ce qu’il faut de poussière ; ça lui va à merveille. Son oeil espiègle dément le sourire tranquille de son accueil. C’est très prometteur la fierté d’un homme qui plonge dans la vie avec son rêve. Bernard est un ouvrier habillé de rêves. Il est si beau dans ce costume que j’ai failli pas le reconnaître..Il nous guide à travers les herbes humides jusqu’à la serre qui abrite son navire, en parlant moto.
N’êtes-vous pas surprises les filles que les hommes parlent de moto, alors que notre sujet, c’est la mer ? Peut-être que ce n’est pas encore le moment. Ils gardent ça pour plus tard. (comme une friandise dont on veut se délecter. Ils font durer le plaisir en quelque sorte.) |
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Le hangar à priori n’a rien de différent de toutes les serres qui vieillissent.
Rafistolages en tous genres, armatures qui se découvrent par endroits, aspect abandonné du cadre. Et puis le choc de l’arrivée. La coque avant du bateau a déchiré son cocon. Il émerge magnifique et indécent à l’arrière de son nid.
Ce navire a de trop longs pieds. Son étrave a crevé l’abri de plastique, un peu comme s’il mettait le nez hors des draps.
Il a l’air d’un géant endormi dont la tête dépasserait de la couverture. Je reste un moment confondue par la masse de cette construction..
De quel monde est donc né cet insecte ? |
Laurent et Bernard prestement hissés à bord font déjà le tour du pont. Acrobaties en perspective, j’aime pas trop. Pourquoi les accès aux chantiers sont-ils si souvent précaires ? Cette fois encore le pied d’échafaudage qui permet l’accès à bord ne m’inspire guère. Mais je suis conquise par l’animal étrange et je sais être héroïque. Avec l’aide de Bernard, je me hisse en souriant sur le pont.(si si si !)
Quelle sensation ! J’ai le sentiment d’avoir sous les pieds une force colossale. Je domine les chantiers qui s’étalent à travers champs. Je domine le flot étourdissant des voitures. Je domine les épaves qui frissonnent sous le vent. Dans le champ d’à côté un homme en équilibre sur un tas de poutres métalliques me fait un signe amical. Je me pavane sur un voilier qui promet
Encore un terrien qui m’envie !
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Fermons les yeux. Les rondeurs et les formes sympathiques du navire se prêtent si bien au rêve. Le pont ferme et rassurant nous offre de biens belles perspectives. La sentez-vous la mer qui danse sous le ventre de ce géant ? |
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Ce qu’il doit faire bon trotter ainsi entre des gerbes d’écume vivante.
Je suis franchement épatée par l’envergure de ce voilier, par la netteté des surfaces, par l’arrondi gracieux des galbes. |
Bien entendu les aménagements intérieurs sont en parfaite harmonie avec l’ambition du projet. De beaux matériaux à l’aspect rare, des finitions soignées, des espaces astucieusement compris, exploités avec malice.
Pour ressentir ce chantier dans toute sa force, il faut imaginer, Bernard qui bosse tout seul. En hiver, le vent secoue les plastiques et hurle avec les scie et les ponceuses. En été Bernard sue sous des bâches qui filtrent le soleil mais pas la chaleur. Il jongle avec les fibres de verre, les carbones ou kevlar et les résines. |
Il mesure, il coupe, il chauffe, il aspire, il colle et ponce... masques étouffants, odeurs oppressantes, enduits et poussières, poussières, poussières...
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Et Sylvie toujours présente pour le réconfort, la vision souriante de l’avenir, le repas chaud ou la boisson glacée qu’ils partagent ensemble en admirant l’avancée du travail
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Il est immense ce voilier mais il n’a rien de monstrueux. On sent à travers cette construction les soins, la présence et toute la réflexion d’un homme et d’une femme qui mènent leur affaire sereinement et avec certitude. Ils sont tous les deux déterminés et tellement complices. |
Ils habitent une petite maison sur un immense terrain. Les chats y ont leurs dortoirs et leurs cantines. Belle harmonie qui convient parfaitement à ce moment fugitif. C’est vraiment ça la force de Sylvie et Bernard. : un navire dont ils ont rêvé dévore leur temps, leur espace, leurs moyens et ils sont d’accord avec ça. Ce navire bientôt sera sous leurs yeux à quelques pas de l’escalier, tout au fond du champ qu’il va envahir.
Un navire exceptionnel destiné à deux personnes aussi simples que remarquables qui rêvent et construisent jour après jour, leur lieu de vie idéal.
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Compartiment moteur et groupe électrogène |
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Tuyaux et pompes de ballast
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